L’année 2021 s’achève sur fond de tension dans moult secteurs. Assane Samb, journaliste et analyste politique, retrace les faits saillants. De l’affaire Sonko-Adji Sarr en passant par les Locales, l’affaire des passeports diplomatiques, la Covid-19 et les questions de la violence, 2021, selon Assane Samb, le Sénégal a connu des secousses telluriques. C’était dans l’émission le Grand oral sur Rewmi Fm. Entretien.
Des manifestations avaient secoué le pays, dès le début de l’année, avec la restauration du couvre-feu, le nombre de cas de Covid-19 à la hausse, les pertes en vies humaines : Que retenir de ces évènements de janvier 2021?
Un clin d’œil à toute la communauté Chrétienne avec les fêtes de Noël. En cette période, c’était compliqué avec le retour à une sorte de confinement. Les populations n’en pouvaient plus et nous vivons dans un secteur informel et avec cette privation de la mobilisation, tout était difficile. La récession était à un niveau élevé. Ce qui était difficile pour les Sénégalais de supporter tout cela. Même s’il fallait concilier l’impératif santé sanitaire et l’impératif économique car il faut une gestion des équilibres, il fallait voir comment respecter les instructions du personnel médical et essayer de ne pas tuer l’économie. Il y a des effets négatifs dans ce contexte là et face à l’émergence d’autres maladies.
2021, une année secouée par cette affaire Sonko-Adji Sarr, dont 13 pertes en vies humaines lors des manifestations. Une affaire personnelle qui vire en affaire d’Etat ?
Oui c’est vrai que c’est une affaire d’Etat et lorsque les gens évoquent cela, ils sourient. J’ai eu la chance sur un plateau télé d’alerter sur ces questions de mœurs. En tant qu’acteur, il a pêché par manque d’expérience. Des erreurs stratégiques. Il faut faire attention, en tant que leader car des gens sont souvent manipulés. Ousmane Sonko dit qu’il a eu un mal de dos et qu’il est parti se faire masser quelque part et qu’il y a eu une plainte. Il sera arrêté pour troubles à l’ordre public. Il y a eu beaucoup d’erreurs, car ce fut une affaire judiciaire, bien que Sonko avait dit qu’il y avait la main de Macky. Jusqu’à ce qu’il soit convoqué et arrêté. La pandémie aidant, le confinement, le contexte difficile, la frustration, les jeunes sont sortis et… vous savez ce qui s’est passé.
Est-ce que Sonko ne l’a pas provoqué ?
Mais Sonko, il a manœuvré. Il se dit si « je réponds comme Khalifa Sall en pleurant etc. je serai arrêté et mis dans le panier à salade. » Il a manœuvré et cela a réussi. Sonko avait le temps d’attirer l’attention des Sénégalais et de susciter une indignation générale. Mais c’était à l’Etat de ne pas tomber dans le piège. Le Préfet était dépassé. La preuve, quand Samba Sall est décédé, tout le monde est sorti pour témoigner à son endroit en disant qu’il était crédible. Il n’y a pas de juge d’instruction qui reçoit des ordres. Il n’y en a pas. Si on avait été patient et laissé Sonko faire son show, il pouvait agir, mais ce fut un piège. Cependant, il y a eu une condamnation morale. On cherche une condamnation morale pour décrédibiliser la personne.
L’objectif est-il atteint ?
Ah Oui. Cette affaire a porté préjudice à Sonko, du point de vue de son image. Ne serait que cela, ce n’est pas bien et donc il y a cet aspect de moralité et cela lui a porté préjudice. Au plan judiciaire, je ne pense pas qu’il soit condamné, mais il est nécessaire que cette affaire aboutisse. Que cette affaire soit jugée ou renvoyée devant un tribunal, il faut que la vérité éclate.
Les investitures et les dépôts des dossiers, beaucoup de couacs et de surprises ?
Depuis des années, on n’a jamais assisté à des investitures pour les Locales aussi passionnantes que celles-là. Il s’agit de primaires pour les élections. L’enjeu est là et c’est avec cette passion. Des listes parallèles à la pelle. Ceux qui l’avaient fait en 2014 avaient été sanctionnés et aujourd’hui, Macky était obligé de dire qu’il les a parrainés. Au sein de l’opposition aussi, on claque la porte une fois qu’on n’est pas investi. Pape Diop a claqué la porte de Wallu, de même que Soham Wardini. Les Locales ont amorcé une reconfiguration du paysage politique. Ce qui n’est pas le cas. Il faut faire attention car 2024 est incertain. Les Locales sont particulières certes, il y a des coalitions contre-nature, mais ce sont des réflexes dictés par le contexte. Toute élection a sa personnalité. Ce sont des élections locales mais qui ne déterminent pas les autres.
Cette affaire Djibril Ngom aussi a marqué les esprits pour ces locales-là…
Oui c’est vrai et particulièrement pour deux choses : le caractère inédit de la démarche : voir un mandataire fuir avec des dossiers. D’habitude, les mandataires sont dignes et ont des connaissances techniques. Il a été reçu en audience et photographier l’enveloppe a créé une indignation. C’est le fait de le recevoir au palais qui pose problème. Apparemment, ce n’est pas acceptable. D’ailleurs; on parle de haute trahison. C’est exagéré. On cherche une condamnation morale. La haute trahison, il ne faut pas s’amuser avec.
Les passeports diplomatiques ont secoué l’Assemblée nationale, un scandale qui écorne l’image du pays ?
Cette affaire n’honore pas le pays ni le pouvoir. Que des députés soient impliqués à ce niveau, c’est particulièrement gênant. C’est comme un chiffon qu’on monnayait au marché noir. C’est grave et cela discrédite notre diplomatie et il fallait réagir. Et pour le mouvement Y’en a marre aussi. C’est comme si nous sommes dans un pays où même le Président peut être corrompu. C’est grave. On peut inculper les députés. Pourquoi systématiquement on met une personnalité sous mandat de dépôt, sachant qu’elle ne va jamais fuir. C’est comme si on voulait envoyer un message fort en disant bon on l’a fait pour Kilifeu et Simon…Mais en réalité, c’est comme si la justice obéissait à une pression. Ce qui est grave. Donc il y a toute une chaîne, chacun veut sa part du gâteau et donc il faut que les gens soient sanctionnés à la mesure de leur faute. C’est important car demain, il ne faut pas que cela se répète.
Avec le poste de Pm, ce fut aussi la surprise comme le cas avec la suppression ?
Il faut une coordination de l’action gouvernementale. A chacun son rôle dans un Etat. Il nous faut un Premier ministre. Qu’il veuille cacher son dauphin d’accord, mais il faut que les choses changent. Au Sénégal, tout ce qui est allé vite, ce sont les escroqueries, les violences. Le TER, le BRT, c’est bien. Ce sont des orientations. Mais il nous faut de l’autosuffisance alimentaire, on ne l’a pas. Et c’est à notre portée. Il nous faut plus d’efforts dans les secteurs de la Santé et de l’Education. On parle de Thébou Dieun, mais il nous faut aussi notre propre « Thiep » (Riz). On espère que l’année prochaine, c’est-à-dire 2022, sera encore meilleure. Nous souhaitons à tout le monde une bonne et heureuse année.
MOMAR CISSE