Alors que le Conseil de sécurité s’est réuni jeudi après-midi pour examiner la situation en Haïti, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé le monde « à se mobiliser » en faveur des Haïtiens qui vivent un « véritable cauchemar ».
Le chef de l’ONU a effectué une brève visite samedi 1er juillet dans la capitale haïtienne Port-au-Prince, l’occasion pour lui de réclamer le déploiement immédiat d’une force de sécurité internationale robuste pour assister la Police nationale d’Haïti dans sa lutte contre les gangs. « Les conditions humanitaires sont plus qu’épouvantables. Des gangs brutaux tiennent à la gorge le peuple haïtien. Port-au-Prince est encerclée par des groupes armés qui bloquent les routes, contrôlent l’accès à la nourriture et aux soins de santé et sapent l’aide humanitaire », a déclaré M. Guterres lors d’un point de presse, jeudi, au siège de l’ONU, à New York.
Communautés terrorisées
Il a rappelé que « les gangs prédateurs utilisent les enlèvements et la violence sexuelle comme armes pour terroriser des communautés entières », soulignant avoir entendu « des récits épouvantables de femmes et de filles victimes de viols collectifs et de personnes brûlées vives ». Selon le Secrétaire général, « le monde doit agir maintenant pour endiguer la violence et l’instabilité ».
Lors de sa visite en Haïti, il a rencontré le Premier Ministre et plusieurs secteurs de la société haïtienne. « Il y a des signes d’espoir et de possibilité. Mais cela nécessite une action sur plusieurs fronts – et la reconnaissance d’une vérité fondamentale : Il ne peut y avoir de sécurité durable sans une solution politique permettant la restauration des institutions démocratiques », a-t-il dit. « Et il ne peut y avoir de solutions politiques durables et inclusives sans une amélioration drastique de la situation sécuritaire ».
Action nécessaire dans trois domaines
Le chef de l’ONU a lancé un appel pour une action conjointe dans trois domaines essentiels. Dans le domaine humanitaire, il a appelé les bailleurs à financer le plan de réponse des Nations Unies. Dans le domaine de la sécurité, il a demandé aux membres du Conseil de sécurité et à tous les pays contributeurs potentiels concernés « à agir maintenant pour créer les conditions du déploiement d’une force multinationale pour aider la Police nationale d’Haïti ». Il a précisé qu’il ne s’agissait pas de réclamer une mission militaire ou politique des Nations Unies, mais « une force de sécurité robuste déployée par les États membres pour travailler main dans la main avec la Police nationale haïtienne pour vaincre et démanteler les gangs et rétablir la sécurité dans tout le pays ». Il a noté aussi le besoin de financement, de formation et d’équipement de la police haïtienne « pour restaurer l’autorité de l’État et la fourniture de services vitaux ».
Dans le domaine politique, le Secrétaire général a encouragé tous les acteurs sociaux et politiques à accélérer « leurs efforts vers une solution politique désespérément nécessaire ». « Nous ne pouvons pas oublier le peuple haïtien. Le monde doit se mobiliser », a-t-il conclu.
Jeudi après-midi, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et cheffe du Bureau des Nations Unies dans ce pays (BINUH), Maria Isabel Salvador, a fait le point de la situation devant les membres du Conseil de sécurité. Elle a tout d’abord rappelé que le 7 juillet marquerait le deuxième anniversaire de l’assassinat du Président Jovenel Moïse. Elle a ensuite indiqué qu’il y avait eu quelques progrès ces derniers mois dans le domaine politique, avec des discussions entre les différents acteurs sur les réformes constitutionnelle et électorale, la bonne gouvernance et les questions socio-économiques.
Dans le cadre du dialogue politique haïtien, elle a tenu à souligner l’initiative de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), à travers son Groupe de personnalités éminentes, d’organiser en juin une rencontre des acteurs haïtiens en Jamaïque, qui a réuni le Premier ministre Henry, des partis politiques et des groupes de la société civile.
Mme Salvador a en outre noté que le secteur judiciaire continuait de faire face à de graves défis, mais qu’il y avait quelques lueurs d’espoir, notamment l’adoption d’un décret contre la corruption, le blanchiment d’argent et le commerce illégal d’armes. Elle s’est dit également optimiste quant aux efforts des autorités nationales pour améliorer le processus de vérification et de certification au sein du système judiciaire.
La Représentante spéciale a noté que la violence s’était intensifiée ces derniers mois, se déplaçant au-delà de Port-au-Prince. « L’apparition de groupes d’autodéfense ajoute une autre couche de complexité. Depuis avril, le BINUH a documenté le meurtre d’au moins 264 membres présumés de gangs par des groupes d’autodéfense », a-t-elle souligné, notant également que la situation humanitaire « de plus en plus sombre » risquait de se détériorer davantage.