Un juge sénégalais a ordonné, mardi 20 décembre, le renvoi en prison du journaliste Pape Alé Niang, moins d’une semaine après sa remise en liberté sous la pression de la profession et des défenseurs des droits humains, a-t-on appris de ses avocats et du parquet. Par un communiqué qui se veut offensif, rédigé avec soin mais malheureusement non daté, le Parquet de Dakar a essayé tant bien que mal de donner une base légale et factuelle aux derniers développements ayant débouché sur l’interpellation de PAPE ALLÉ NIANG, sa conduite devant le juge MAMADOU SECK du 2ème Cabinet chargé de l’instruction de son dossier, la notification à lui faite par ce dernier de l’ordonnance de révocation du contrôle judiciaire sollicitée par le Procureur de la République et enfin le mandat de dépôt, sollicité également par le Procureur, le ramenant à la case départ.
Au début et à la fin de ce processus, on retrouve donc la figure centrale du parquet. En réalité la seule grille de lecture qu’offre ce communiqué aux allures de célébration d’un trophée acquis de haute lutte est qu’il met en exergue le souci obsidional de se laver à grande eau. Tout cela participe en fait de la claire conscience qu’ont les rédacteurs de ce communiqué que le Parquet est sorti délibérément du chemin de la légalité et a erré en droit, emportant dans ses errements le juge d’instruction, lequel lui a rendu finalement un mauvais service en accédant à une demande nullement adossée sur le droit.
La seule vérité qui ne pourra jamais être occultée dans cette affaire est bien celle-ci : seul le juge d’instruction a le droit, la possibilité, la force, l’imperium de révoquer un contrôle judiciaire. Il le fait de sa propre initiative, sans aucune intervention extérieure des parties opposées : l’inculpé et le ministère public.
La seule possibilité, le seul droit, la seule faveur dont disposent ces deux parties dans la phase d’instruction est de demander au juge la prise des mesures pour, soit l’adoucir et même pour le lever, soit pour le durcir. Cela résulte de la lettre et de l’esprit de l’article 127-ter.
Il est bon de rappeler que cet article a subi une nouvelle modification avec la loi 2020- 29 du 7 juillet 2020 introduisant l’assignation à résidence avec surveillance électronique comme alternative à la détention provisoire et le placement sous surveillance électronique comme mode d’aménagement des peines.
Dans sa mouture actuelle les mesures du contrôle judiciaire ont été portées à 16, le juge ayant la latitude d’ordonner l’observation de l’une ou plusieurs de ces mesures, étant entendu que « le contrôle judiciaire consiste pour l’inculpé à se présenter à intervalles réguliers fixés par le juge, soit à lui, soit à l’officier de police judiciaire qu’il désigne ».
Le seul cas de figure dans lequel le Parquet a la possibilité d’interférer dans la révocation d’un contrôle judiciaire est le suivant, prévu par l’article 127-ter du Code de Procédure Pénale. Ce cas, comme il est aisé de le constater, ne concerne pas le magistrat instructeur dans la mesure où ce dernier, son office terminé, serait depuis lors dessaisi du dossier :
« Si l’inculpé renvoyé devant une juridiction de jugement se soustrait, avant l’audience, aux obligations du contrôle judiciaire, le Procureur de la République peut saisir la Chambre d’Accusation qui peut appliquer les dispositions de l’alinéa précédent « … In concreto cela induit que le Procureur a ici et ici seulement le droit de dresser un réquisitoire aux fins de révoquer un contrôle judiciaire et de solliciter la mise sous mandat de dépôt. Et que cette mesure est l’apanage du triumvirat de hauts juges composant la Chambre d’Accusation?, qui est la juridiction d’appel des cabinets d’instruction.
Le parquet aura beau se réfugier derrière toutes sortes de considérations, ce sera peine perdue, il ne convaincra personne. Il n’avait pas à dresser un réquisitoire pour exiger du juge qu’il ramène PAN en prison. Cela n’atténue en rien, soit dit en passant, l’attitude de refus du juge de prendre en compte les vives objections des conseils. Au demeurant la victime de ces errements va puiser dans cette injustice des forces supplémentaires pour y résister.