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Audience avec Djibril Ngom: Yewwi
Audience avec Djibril Ngom: Yewwi

Financements des partis politiques au Sénégal: Le sauve-qui-peut !

La coalition Yewwi Askan wi a décidé de procéder, à une levée de fonds comme exactement le parti Pastef l’avait fait l’année dernière, ne pareille époque.

Le 02 janvier 2021, le parti dirigé par Ousmane Sonko avait levé des fonds de l’ordre de 150 millions de nos francs. Ce qui, à l’époque, avait suscité moult polémiques surtout quand le Ministère de l’Intérieur était entré en action pour rappeler les dispositions légales en la matière et menacé le parti de dissolution.

C’est comme qui dirait, une sorte de récidive pour Pastef car, ce parti est l’un des artisans majeurs de la coalition susnommée. Pour le moment, le ministère de l’Intérieur n’a pas réagi (au moment où nous mettons sous presse), mais, une réaction venant d’un avocat et juriste, membre de la majorité, a suscité moult commentaires sur les réseaux sociaux. Me Babou a, en substance, évoqué l’illégalité de la démarche de Yewwi et brandi la possibilité de sa dissolution si elle insistait dans l’initiative.

Au rang des motifs, le fait que, depuis l’indépendance du Sénégal, cette levée n’a jamais été autorisée parce que pouvant permettre à des lobbys étrangers, d’influer sur la marche de la politique au Sénégal. Or, la question que tout le monde se pose est de savoir s’il est vraiment illégal, pour un parti politique, de solliciter des fonds de la part de ses militants et sympathisants. Et comme pour l’année dernière, certainement, le problème, ce sont les ‘’fonds étrangers’’. Car, au niveau de l’article 3 de la loi sur le financement des partis politiques au Sénégal, il est bien mentionné que les fonds des partis doivent provenir des dons, legs de ses adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations.

L’article poursuit en mentionnant que : ‘’Il doit clairement faire apparaître que le parti ne bénéficie d’aucun subside de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal’’. Si l’on s’en tient à cette loi de 1975 sur les partis politiques au Sénégal, pas de ‘’fonds étrangers’’ ou de ‘’fonds d’étrangers établis au Sénégal’’. Ce qui veut dire que les fonds venant de sénégalais peuvent être considérés comme des fonds étrangers si ces derniers résident en dehors du territoire national. Ce qui est en phase avec le premier alinéa qui mentionne que les dons et legs doivent venir de ‘’ militants ou sympathisants nationaux’’. Ce qui veut dire que du point de vue strictement juridique, Me Babou a raison.

Toutefois, du point de vue moral et politique, il serait maladroit de dissoudre un parti ou une coalition pour ce simple motif. Car, la pratique est tellement floue en matière de financement des partis politiques, que toutes les formations qui s’activent dans le secteur ont certainement quelque chose à se reprocher, des soucis par rapport au respect des dispositions de la loi de 1975. L’article 3 prévaut, par exemple, l’obligation, par tout parti politique, du dépôt de l’état financier complet au plus tard le 31 janvier de chaque mois. Or, quels sont, par exemple, les partis politiques qui se conforment à cette disposition ? Ils ne doivent pas être bien nombreux.

En clair, soit on applique toutes les dispositions de la loi de 1975, soit on fait comme actuellement, c’est-à-dire que l’on ferme les yeux. Mais, au risque de créer des troubles sociaux qui peuvent être graves, on ne peut pas se lever un beau jour et demander à une formation politique ou coalition de respecter telle disposition d’une loi que presque tout le monde viole. Car, s’agissant du financement des partis politiques au Sénégal, c’est le sauve-qui-peut. Chaque parti ou coalition se débrouille comme il peut. Tous les financements sont en général occultes. Personne ne sait d’où viennent les fonds. Et les prétendues cotisations ne le sont pas en général Car, dans ce pays, ceux qui cotisent sont peu nombreux. Et les leaders de partis se débrouillent comme ils peuvent eux qui sont les principales sources de revenus.

Un flou total qui interpelle tous et remet au goût la fameuse question, souvent occultée, du financement des partis politiques. Il faudra réfléchir à accompagner les partis les plus sérieux parce qu’ils concourent, d’une façon substantielle, au rayonnement de la démocratie.


Assane Samb

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