Si la musique est l’art de combiner des sons d’une manière agréable à l’oreille, avec l’invité de votre page people, elle est bien plus et mieux qu’une combi sonore. En effet, cultivateur du travail, Junior L’Artiste, Sénégalais d’origine togolaise, est un orfèvre des sons et des sens. Pour s’en convaincre, nul besoin de polémique, la preuve coule de source, car pour apprécier son chant, il faut écouter sa parole et pour comprendre sa parole, il faut déguster son chant. C’est dire que chez Junior, la musique est asymétrique par sa volonté et non son talent. Junior est un artiste qui s’est construit à force de détermination, là où il reconnaît, dans un symphonique culte de la sincérité, que le talent n’était pas son premier atout. Artiste construit, Junior majore l’apport du labeur dans la personnalité de l’artiste mais aussi dans la conduite de art qui ne sera plus en marge sociétale mais un intellectuel organique chez qui l’œuvre ne désœuvré pas mais occupe à l’envi l’homme et l’artiste. Son parcours est une scolastique du self-made-man qui, sorti de l’initiation de la vie, peut aujourd’hui, dans le blanc de l’oeil, regarder le monde pour donner rendez-vous aux critiques dans l’appréciation de son art dont on entendra parler. C’est lui qui le promet et c’est nous qui l’écoutons dans un dialogue musical des plus féconds.
Qui est Junior Lawson ?
Junior l’artiste est mon nom de scène, mais je m’appelle Junior Lawson, je suis Sénégalais d’origine togolaise. Je suis né et j’ai grandi au Sénégal où j’ai fait quasiment toutes mes études. J’ai grandi entre le quartier HLM 2 et Les Maristes et je suis fan d’art et de musique.
Des études au chant comment s’est fait le pont ?
C’était assez difficile de faire ce pont, parce que je n’avais pas les ressources temporelles ni matérielles encore moins un quelconque accord provenant de mon environnement direct (mes parents…). Le trajet à pied entre les Maristes et les HLM où j’étudiais, constituait mes moments d’entraînement à la guitare et à la voix. Après ces années, j’ai commencé à me professionnaliser un peu plus en rentrant dans la Chorale, le chœur gospel Kanjele. Je suis un véritable autodidacte dans ce domaine. On refusait de m’enseigner, que ce soit la guitare, le chant ou autre, j’ai dû apprendre à dépasser les moqueries dans la rue, dans les lieux où j’essayais de me développer parce que je partais de zéro et j’avais cette peur de me lancer devant les gens, que ce soit pour chanter ou jouer. Je n’avais pas d’encouragement de ce côté, ni de repères, ni même de sources d’inspiration. Du coup, il m’a fallu dépasser toutes ses barrières liées à la perception de la musique, à une époque où les métiers d’art rimaient avec échec dans la vie ou délinquance. C’était difficile pour mes proches de me laisser faire ce choix de vie avec le potentiel que j’avais dans le travail professionnel, un milieu pour eux qui devait m’apporter la sécurité sociale et financière. Mais j’étais déterminé, c’est ce que je voulais faire et je me suis donné les moyens d’y parvenir, malgré tous les obstacles que j’ai dû affronter. Je pense que c’est tous ces obstacles qui m’ont donné cette force de caractère et il en faut dans le milieu artistique.
Junior c’est également plusieurs casquettes : musicien guitariste, chanteur, auteur – compositeur. Est-ce à dire que cela a toujours été facile ?
Oui, ça a été facile, il y a des choses qu’on ne force pas dans la vie, quel que soit le choix que tu fais dans ta vie, si tu es déterminé, si c’est ce que tu veux réellement faire, si c’est clair dans ta tête, tu te donnes les moyens et tu le fais, après, tout dépend du temps que tu y consacre et le talent. Je n’avais pas le don de la musique, loin de là, j’ai bossé dur pour ça. L’idée n’était pas de prouver à toutes ces personnes que je pouvais y arriver avec ou sans elles mais j’avais cette volonté de faire cela. Il arrivait que je bossais jusqu’à pas d’heure dans la nuit, on me chassait même parce que je faisais du bruit, j’étais obligé de prendre sur moi parce que c’était le seul moment où j’arrivais à être vraiment moi, personne ne pouvait me faire sortir de cet état de plénitude. J’affrontais toutes ces personnes qui me traitaient de fou, parce que je savais que j’avais besoin de travailler, de me donner à fond pour atteindre le niveau que je voulais. J’ai toutes ces casquettes parce que je me disais que je ne pouvais pas être un artiste sans maîtriser au moins un instrument, sans avoir la capacité d’accompagner ma voix avec d’autres voix, sans pouvoir chanter sur n’importe quel type d’instrumental. Et c’est cette particularité que je me devais d’atteindre, pas pour les autres mais d’abord pour moi-même.
Qu’est-ce qui vous motive en tant qu’artiste ?
Déjà, la musique elle-même est motivante, elle l’est parce qu’elle apaise l’esprit, elle apaise les cœurs, aujourd’hui y a beaucoup de choses que je prends avec beaucoup de recul, car la musique me permet d’être dans cet état de compréhension. Ceci étant dit, j’ai une mission de transmission du savoir-faire africain dans le domaine de l’art, mais aussi, de valorisation de la culture noire à travers la qualité, la différence, l’originalité déjà existante autour de nous qui est dépréciée malheureusement. Mon objectif est de faire ce que les Ivoiriens, les Nigériens ont réussi à faire avec leur musique, aujourd’hui on peut entendre leur sonorité musicale dans les grandes banques sonores des Etats-Unis, de la Chine ou d’ailleurs. Quand tu entends un artiste comme Rema chanter avec Selena Gomez des Etats-Unis ou un Samba Peuzzi du Sénégal, ça ne peut que te rendre fier de ce que les Africains peuvent accomplir et ont toujours accompli. Pour moi, ça c’est un challenge excitant et j’adore.
Vous semblez être un romantique, le thème de l’amour revient souvent dans vos chansons…
Effectivement, le thème de l’amour revient très souvent dans ma musique actuelle. Cela dit, je ne suis pas un romantique, même si j’ai été surnommé le « stimulateur d’amour » durant la Saint-Valentin. Je suis un artiste et notre particularité, c’est de pouvoir ressentir les vibrations autour de nous. Et aujourd’hui, force est de reconnaître que l’amour est quelque chose de plus en plus incompris et sollicité. Je vais citer une chanson de Tayc dans laquelle il dit : « Ils vont encore dire que Tayc ne parle que d’amour, mais c’est toi qui demande à être consolé, yeah… ». Il n’y a pas plus vrai que ça, c’est l’amour qui fait vibrer le monde. Le jour où il y aura un autre message, les artistes seront les premiers à le ressentir. Autrement dit, je parle de tout et de rien, tout m’inspire. Et il faut se le dire, je ne suis qu’au début de ma carrière, j’ai jusqu’alors trois morceaux sur la toile. D’autres arrivent sur des termes divers et variés. Step by step, j’ouvrirai et dévoilerai mon univers entièrement. Et croyez-moi, l’aventure en vaut la chandelle.
D’ailleurs comment définiriez-vous votre style musical ?
La « Free mind music », c’est la liberté totale d’expression, la remise en question des codes, des techniques et des styles existants. Autrement dit, c’est vraiment un univers dans lequel tout est permis du moment qu’il soit agréable à l’oreille, et apaisant pour les cœurs. Tout autour de nous est son et mélodie, ce n’est pas seulement du Jazz, du R&B et j’en passe, alors pourquoi limiter la musique avec des choses qui existent déjà. « Rien ne se crée, tout se transforme ». La musique a toujours été variée et le seul point commun c’était du bon son, chaque style musical est né d’une personne ou un groupe de personnes qui a commencé à faire un son nouveau et l’a nommé. J’aspire à ce que ce style de musique inspire les artistes des prochaines générations comme ceux qui nous ont précédés.
Votre timbre de voix est assez particulier, vous l’avez travaillé ?
(Rire), Je n’ai fait que ça depuis le commencement. Dès mes 17 ans, j’ai compris que j’avais un timbre de voix particulier, et pour le renforcer, j’ai arrêté d’écouter toutes formes de musique pour ne pas être influencé par des vibes ou tournures mélodiques déjà existantes, utilisées sous diverses formes. Il fallait que je développe d’abord ma propre singularité, ma propre identité pour marquer une certaine différence dans le futur, afin de pouvoir me mouvoir dans le milieu artistique. La musique est adhésive, on peut facilement reproduire un style de voix sans s’en rendre compte. Mais il est aussi dû au métissage culturel duquel je suis issu. J’ai pris beaucoup de temps pour m’en imprégner. C’est ce qui donne cette couleur à ma voix, sans oublier qu’il y a certaines choses que Dieu donne.
Vous avez participé au show télévisé The Voice Afrique Francophone. Qu’est ce qui a changé depuis et qu’en avez-vous tiré ?
C’était une sacrée expérience dans ma vie. L’aventure a été très courte malheureusement mais elle m’a construit en suscitant le plus gros déclic de ma vie. De par cette expérience, j’ai su que la musique était vraiment un travail professionnel et non pas juste émotionnelle et mélodique. C’est le gagne-pain de beaucoup et il fallait que je sois conscient de cela, ça devait être injuste de me lancer dans ce milieu avec l’idée que la musique c’est juste du divertissement et c’est là-bas que je l’ai compris. Je me rappelle encore les coaches, mais spécialement des propos d’Asalfo de Magic system, qui ont reconnu que mon timbre de voix était particulièrement intéressant, mais qu’il méritait beaucoup de travail dont aujourd’hui j’ai clairement conscience. Et cela impacte ma façon de travailler, les personnes avec qui je collabore. Ça m’a valu qu’aujourd’hui, j’ai mon propre studio, un staff qui croit en moi et qui me permet d’atteindre au mieux mes objectifs.
Vous venez de sortir un nouveau single intitulé BAYI, quel est le message derrière ?
Pour beaucoup, « Bayi » est juste une chanson d’amour, mais l’amour est juste le moteur qui véhicule le message important, parce qu’il faut créer un environnement d’abord et l’amour un canal par lequel sont véhiculé d’autres messages est bien plus simple. « Bayi » parle d’amour certes, mais il parle aussi des différences sociales, du courage dans l’effort. La réalité de la réussite et surtout que rien ne peut être acquis sans effort, que ce soit juste ou pas, rien ne s’acquiert sans efforts, sans se battre. Aujourd’hui, on a perdu la notion de trimer pour ce qu’on veut réellement. Tout ce qui s’obtient du labeur résiste au temps. Si rien que l’amour demande une telle détermination, une telle force, qu’en est-il des autres choses de la vie qui sont beaucoup plus complexes. Le tout dans une atmosphère paisible, consommable, relaxante. On apprend mieux dans la douceur.
Comment trouvez-vous l’industrie musicale au Sénégal ?
Est-ce que nous avons une industrie au Sénégal ? Telle est la question ! Nous avons beaucoup d’artistes mais nous n’avons pas de mécanisme efficace et fonctionnel, à ce jour, sur le terrain, mais juste de manière institutionnelle. Mais plus grave encore, le niveau d’informations, d’instructions à ces mécanismes est tellement bas qu’au moins, 80% des artistes au Sénégal ne sont pas répertoriés et ne savent pas comment faire pour y parvenir. Les informations sont énormément floutées ou erronées volontairement pour éviter les concurrences, alors que c’est cette concurrence qui fait naître des génies créatifs. C’est la naissance de ces génies qui fera en sorte que notre musique pourra s’exporter, se catégoriser, inspirer les nations du monde et par la même occasion valoriser notre musique, notre industrie. Donc pour moi, il est impératif que les artistes soient informés et formés dans les métiers de l’art, du management artistique afin d’avoir une nouvelle industrie propre à nous et qui correspond aux réalités d’ici et pas calquer une industrie importée qui ne fonctionne pas nécessairement dans notre environnement. Il faut donc, penser à un mécanisme qui serait issu de notre vision propre, un nouveau narratif qui viendrait de nous (sénégalais, africains) et que nous pourrions exploiter et par la suite vendre.
Des projets en vue ?
Mille et un projets, je ne sais pas si ma vie sera assez longue pour tous les réaliser. Mais la seule chose que je peux dire, c’est qu’on peut s’attendre à de nouveaux projets, à une présence constante sur la scène musicale sénégalaise, dans un premier temps et par la suite internationale. Tout cela pour simplement dire que dans les mois prochains, vous aurez un tout nouveau produit signé Junior l’artiste, pour le plaisir de vos oreilles.
ANNA THIAW