La justice turque estime que deux de ses publications sur Facebook font « la propagande du PKK », le Parti des travailleurs du Kurdistan, qualifié de « terroriste » par Ankara.
La Turquie, régulièrement mise à l’index par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), a de nouveau été tancée, mardi 31 août, par le bras judiciaire du Conseil de l’Europe, pour avoir condamné un imam en raison de ses publications sur Facebook.
Le requérant, Resur Üçdag, a été condamné pénalement en 2016 pour propagande en faveur d’une organisation « terroriste » en raison de deux publications faites sur son compte. Le tribunal de Diyarbakir (sud-est de la Turquie) a estimé que « certaines publications qu’il avait faites en 2015 et 2016 faisaient la propagande du PKK », le Parti des travailleurs du Kurdistan, une organisation qualifiée de « terroriste » par Ankara.
Parmi les publications incriminées se trouvaient deux photos partagées originellement par deux autres utilisateurs Facebook. Mais la CEDH « estime que les décisions des juridictions internes n’apportent pas une explication suffisante des raisons pour lesquelles les contenus incriminés devaient être interprétés comme glorifiant, légitimant et encourageant les méthodes de contrainte, de violence et de menace employées par le PKK dans le contexte de leur publication ».
La CEDH juge donc « qu’en condamnant M. Üçdag (…), les autorités nationales n’ont pas effectué une mise en balance adéquate et conforme aux critères établis par sa jurisprudence entre le droit de l’intéressé à la liberté d’expression et les buts légitimes poursuivis ».
Pour la Cour européenne, la Turquie a ainsi violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à la liberté d’expression.
En outre, la Cour constitutionnelle turque a effectué une « interprétation particulièrement stricte » du délai de recours individuel, relève la CEDH. Cela « a restreint de façon disproportionnée le droit du requérant à voir son recours individuel examiné au fond ». L’instance européenne conclut donc qu’il y a eu aussi « violation de l’article 6.1 de la convention » (droit d’accès à un tribunal).
La Turquie est condamnée à verser à M. Üçdag 5 000 euros pour dommage moral et 1 736 euros pour les frais liés à la procédure.