Lors d’une cérémonie annuelle en mémoire des victimes du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994, le chef de l’ONU a exhorté, lundi, la communauté internationale à tirer les leçons d’un passé encore vif.
Plus de trente ans après les cent jours les plus sombres de l’histoire contemporaine africaine, l’ONU a une nouvelle fois marqué, lundi 7 avril, la Journée de réflexion sur le génocide des Tutsis au Rwanda.
Dans le cadre d’une cérémonie qui réunissait survivants, diplomates et membres de la société civile dans l’enceinte de l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York, le Secrétaire général de l’organisation, António Guterres, a livré un discours axé sur le devoir de mémoire et de vigilance. « Aujourd’hui, nous pleurons le million d’enfants, de femmes et d’hommes massacrés lors du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 », a-t-il dit, rappelant l’ampleur d’un crime dont les séquelles humaines, sociales et politiques demeurent profondes encore aujourd’hui.
Revenant sur les ressorts de cette tragédie, M. Guterres en a souligné la nature délibérée. « Le déchaînement de violence épouvantable n’était pas spontané », a-t-il affirmé. « Il était intentionnel, prémédité et planifié, alimenté notamment par un discours de haine […] et a contribué à la déshumanisation ».
Ce discours de haine a été propagé à l’époque par certains médias rwandais comme Radio-télévision libre des mille collines (RTLM), plus connue sous l’appellation Radio mille collines. « L’éducation et les médias y ont été instrumentalisés pour transformer des citoyens ordinaires en tueurs », a déclaré dans un communiqué de presse Audrey Azoulay, la directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
Mme Azoulay a appelé à enseigner « inlassablement » l’histoire du génocide, par devoir pour les victimes et pour interdire que les conditions de telles atrocités se représentent. « Il nous faut partout faire de l’éducation un levier puissant pour la mémoire, la réconciliation et la paix », a-t-elle dit.
Inaction internationale
Entre le 7 avril au 19 juillet 1994, près d’un million de personnes – majoritairement tutsies, mais aussi des Hutus opposés au régime – furent tuées dans des massacres de masse perpétrés à huis clos, sous le regard passif du reste du monde. Un traumatisme toujours présent, que les rescapés et les descendants des victimes s’efforcent de transmettre et de faire reconnaître, malgré le temps qui passe.
Le président de l’Assemblée générale, Philémon Yang, qui participait également à l’évènement, a souligné la responsabilité de la communauté internationale. « Malgré les premiers avertissements, malgré les signes évidents d’une catastrophe imminente, le monde est resté les bras croisés pendant que les massacres se déroulaient. Les gouvernements débattaient tandis que les appels à l’aide restaient sans réponse, tandis que des vies étaient perdues », a déclaré M. Yang.
« Aujourd’hui, alors que nous réfléchissons à notre échec, nous devons nous demander : avons-nous vraiment tiré les leçons du passé ? Avons-nous fait suffisamment pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus jamais ? Ou est-ce que cela se produit quelque part en ce moment même ? »