Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, 72 ans, dirigeait les Janjawids, une force supplétive du gouvernement soudanais accusée d’exactions durant le conflit. Un ex-chef de milice sera la première personne à être jugée devant la Cour pénale internationale (CPI), mardi 5 avril, pour les atrocités commises au Darfour, une région de l’ouest du Soudan régulièrement endeuillée par des violences et théâtre d’un bain de sang il y a près de vingt ans.
Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, 72 ans, collaborateur de l’ex-président soudanais Omar al-Bachir, était le chef de la milice janjawid, force supplétive du gouvernement soudanais accusée d’exactions durant le conflit du Darfour. Egalement connu sous son nom de guerre, Ali Kosheib, il est accusé de 31 chefs de crimes de guerre et contre l’humanité commis en 2003 et 2004 au Darfour.
A l’époque, le conflit avait éclaté lorsque des membres de minorités ethniques avaient pris les armes contre le régime de Khartoum, dominé par la majorité arabe. Khartoum avait répondu avec les Janjawids, une force issue des tribus nomades de la région. Selon des groupes de défense des droits humains, ceux-ci avaient alors opéré une « campagne systématique de nettoyage ethnique » ciblant les groupes ethniques des Four, des Masalit et des Zaghawa. Le bilan humain du conflit est estimé à 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon les Nations unies. En avril 2007, la CPI, dont le siège se situe à La Haye, aux Pays-Bas, a émis un mandat d’arrêt contre M. Abd-Al-Rahman. Celui-ci a fui en Centrafrique, en février 2020, lorsque le nouveau gouvernement soudanais a annoncé son intention de coopérer avec les enquêteurs de la CPI. Il s’est rendu en juin 2020 à la CPI après treize ans de fuite et dément les charges à son encontre.
Selon les procureurs de la CPI, le chef de milice, soutenu par les forces soudanaises, a mené des attaques contre des villages dans la zone de Wadi Salih, au Darfour, en août 2003. Au cours de ces attaques, au moins 100 villageois ont été assassinés, des femmes et des filles ont été violées et les membres du groupe ethnique prédominant, les Four, ont été transférés de force et persécutés. Surnommé « colonel des colonels », il est également accusé d’avoir mobilisé, recruté, armé et approvisionné les milices janjawids sous son commandement.
M. Abd-Al-Rahman étant le premier suspect à être jugé pour des crimes de guerre commis au Darfour, ce procès représente « une chance rare et longtemps attendue pour les victimes et les communautés terrorisées par les Janjawids de voir un dirigeant présumé être traduit en justice », a déclaré Human Rights Watch dans un communiqué.
Omar al-Bachir, qui a dirigé le Soudan d’une main de fer pendant trois décennies avant d’être destitué en avril 2019 après des mois de manifestations, ainsi que deux autres dirigeants sont réclamés depuis plus de dix ans par la CPI pour « génocide » et « crimes contre l’humanité » lors du conflit au Darfour.
Le procureur en chef de la CPI, Karim Khan, a déclaré que le coup d’Etat militaire au Soudan, en octobre 2021, avait marqué un revers dans le travail de la cour, le pays étant secoué par l’aggravation des troubles. La semaine dernière, au moins 45 personnes sont mortes au Darfour, selon les autorités de sécurité locales.