Nicolas Sarkozy est attendu ce lundi 5 novembre dans l’après-midi au palais de justice de Paris pour son procès en appel pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire des « écoutes », aux côtés de son avocat Thierry Herzog et de l’ex-magistrat Gilbert Azibert.
En première instance, à l’issue d’un procès électrique où il avait dénoncé des « infamies », l’ancien président, 67 ans, a été condamné le 1er mars 2021 à trois ans d’emprisonnement, dont un an ferme, devenant ainsi le premier chef de l’Etat de la Ve République condamné à de la prison ferme.
La même peine a été prononcée contre ses deux coprévenus, assortie pour Me Herzog, 67 ans, d’une interdiction d’exercer pendant cinq ans. Tous les trois ont fait appel, ce qui suspend ces sanctions. Au procès Bismuth, Nicolas Sarkozy assume : « J’ai passé ma vie à donner des coups de pouce »
Ce sinueux dossier trouve son origine dans les interceptions téléphoniques de conversations entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog début 2014. A l’époque, les deux téléphones de l’ex-homme fort de la droite ont été « branchés » par les juges chargés de l’enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007, qui lui valent aujourd’hui une quadruple mise en examen.
Les enquêteurs découvrent alors l’existence d’une troisième ligne mise en service le 11 janvier 2014 sous l’alias « Paul Bismuth » – du nom d’une connaissance de lycée de Me Herzog – et dédiée aux échanges entre l’ex-président et son avocat et ami.
« Coup de pouce »
Au fil de conversations qu’ils pensent à l’abri des oreilles indiscrètes se dessine, selon l’accusation, un pacte de corruption noué avec Gilbert Azibert, avocat général à la Cour de cassation, qui aurait usé de son influence contre la promesse d’une intervention pour sa carrière. Ce haut magistrat de 75 ans aujourd’hui retraité est accusé d’avoir œuvré en coulisses pour peser sur une décision qui intéressait au plus haut point l’ancien chef de l’Etat.
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A l’époque, la Cour de cassation était saisie d’un pourvoi de Nicolas Sarkozy, qui voulait faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels dans le cadre de l’enquête pour abus de faiblesse sur l’héritière de L’Oréal Liliane Bettencourt.
Gilbert Azibert est soupçonné d’avoir eu connaissance, en amont, d’informations confidentielles et tenté d’influencer des conseillers participant aux délibérations. En échange, selon l’accusation, d’un « coup de pouce » pour un poste prestigieux à Monaco.
Finalement, Gilbert Azibert ne décrochera pas le poste convoité et la Cour de cassation rejettera le pourvoi de Nicolas Sarkozy. Le point de savoir s’il est intervenu auprès des autorités monégasques reste discuté. Selon la défense, c’est la preuve que ces accusations relèvent du « fantasme ».
« Faisceau d’indices »
Au contraire, le tribunal correctionnel a considéré que le pacte de corruption ressortait d’un « faisceau d’indices graves, précis et concordants ». Selon la loi, il n’est pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue, ni que l’influence soit réelle pour caractériser les délits de corruption et de trafic d’influence.
Les débats devant la cour d’appel, prévus jusqu’au 16 décembre, promettent d’être moins orageux mais une zone d’ombre au moins demeurera.
Fin février 2014, un changement de ton dans les échanges entre Nicolas Sarkozy et son avocat avait convaincu les enquêteurs qu’ils se savaient sur écoute – ce qu’ils contestent. Une enquête distincte, ouverte par le PNF, n’a pas permis d’identifier une éventuelle « taupe » qui les aurait informés. Mais elle a provoqué son propre séisme – l’affaire des « fadettes » – dont une des répliques est le renvoi en procès de l’actuel garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, poursuivi pour avoir lancé des poursuites disciplinaires contre trois magistrats financiers.
A l’issue du procès en appel des « écoutes », la décision sera mise en délibéré à plusieurs semaines.
Un autre rendez-vous attend Nicolas Sarkozy, entre les mêmes murs, en novembre et décembre 2023 : le procès en appel de l’affaire Bygmalion, dans laquelle il a été condamné en septembre 2021 à un an de prison ferme.
Après sa condamnation, l’ex-président s’est dit victime d’une « injustice profonde » et la droite a crié haro sur le parquet national financier (PNF), qui avait confié l’enquête à deux juges d’instruction début 2014 et dont l’impartialité avait été mise en cause par la défense lors du procès.