La tricherie au baccalauréat est devenue culturelle dans notre pays, car elle est aujourd’hui une pratique industrielle. Au-delà des élèves, c’est toute la société qui a validé et légitimé la tricherie. L’exemple que nous prendrons aujourd’hui est l’exploitation du livret scolaire et l’utilisation du portable malgré son interdiction absolue. C’est à se demander si nous ne mentons pas et à nos enfants, et à l’Etat et à nous-mêmes en prêchant la vertu. Le livret scolaire est devenu un moyen de promotion de beaucoup d’écoles et paradoxalement personne ne dit rien. Conspiration universelle, Spirale du silence !
C’est triste ce que la société sénégalaise sait tout pervertir : il n’y a guère longtemps dès que le prof ou l’administration prononçait les mots « livret scolaire », l’élève tremblait. Aujourd’hui, nos élèves ont une toute autre conception ou perception du livret scolaire : c’est devenu même leur « machin » pour réussir dans le cadre de la culture du « topatoo » et du « lijenti ». En effet, depuis les réformes et l’utilisation du logiciel de gestion du bac, la moyenne de cycle permet un repêchage de droit de l’élève : c’est le logiciel qui propose son repêchage, car il est programmé comme tel.
Le président jury, dès sa prise de service, rentre les données contenues dans le livret et la machine les intègre dans le calcul des notes. Ce système de triche est infaillible à partir d’ici. Mais que se passe-t-il en amont ? C’est là que certaines écoles poussent le bouchon trop loin sur la tricherie : c’est une fraude a priori. Pour se faire une publicité, certaines écoles ne s’embrassent guère de scrupules : elles gonflent les notes. Des présidents de jury ont constaté et avoué au jury qu’il y avait un étrange paradoxe entre les résultats contenus dans les livrets et ceux obtenus au bac.
Comment expliquer que dans le même jury des dizaines de tableaux d’honneur et des encouragements se retrouvent tous au 2nd tour ? La réponse est à chercher dans le nombre de repêchés dans les deux tours : la moyenne de cycle donne droit au repêchage ; et les grosses notes davantage ! L’astuce est de « faire » à ses élèves de bons livrets scolaires pour se créer des résultats flatteurs.
N’importe qui ouvre une école, et elles poussent comme des champignons : dans chaque coin de rue il y a maintenant une école. L’Etat démissionnaire laisse faire, car c’est pour lui une soupape de protection pour occulter son incapacité à satisfaire la demande en matière d’éducation. Quelle honte ! Que dommage !
La première solution immédiate est la suppression du livret, il devenu un torchon ou une serviette pour essuyer la sueur des tricheurs. A la place du livret, il faut universaliser le système Planète (un logiciel dont les serveurs sont au ministère). Avec ce système la tricherie est affaiblie : car une fois le conseil des classe tenu, le système est verrouillé, le prof lui-même ne peut plus toucher aux notes.
Il faudra exiger des écoles privées, un rapport de tenue de conseil de classe visé par les profs intervenant dans la structure et envoyé à l’IA. Un intranet permettra de connecter Planète, les IA et le logiciel en charge du bac. Des solutions techniques existent, et ce serait suicidaire de ne rien faire. Une école sérieuse ne pas être dans l’informel ! Or au moment où certains Lycées utilisent le système Planète depuis plusieurs années, d’autres utilisent des systèmes archaïques et trop vulnérables.
Les portables font encore pire : les groupes WhatsApp font beaucoup d’admis. C’est un problème réel, car la surveillance humaine est, disons, trop « défectueuse ». Ce que nous semons et qui nous nourrira dans quelques années nous tuera. Il faut arrêter ce système pourri. Des innovations techniques peuvent amoindrir la tricherie, mais il faudra en permanence mettre à jour les systèmes techniques.
Les portables sont encore et toujours dans les salles d’examen : les fournisseurs doivent être mobilisés le jour du bac pour ne pas fournir de pass-internet. Tout le monde se rappelle que la radio nationale était mobilisée les matins pour faire les dialogues (Système CLAD) qui permettaient d’apprendre le « parler français » avec un maître qui était en même temps un acteur ou un « mimétiste ». Si la société de l’époque a pu faire ce sacrifice, la nôtre peut faire au moins celui qui consiste à se sevrer de pass, durant les heures de composition à l’examen. On ne joue pas avec l’école.
Alassane K KITANE