Va-t-on vers le déclin des léopards d’Afrique de l’Ouest ? C’est la question que se posent des spécialistes de la faune et amis de la nature. Après Tambacounda le mois dernier, c’est au tour de Kédougou de lutter contre le trafic organisé transfrontalier de peaux de léopards qui sévit de façon inquiétante au Sénégal ces 8 derniers mois. Le 17 mars 2021, une opération d’arrestation de deux présumés trafiquants de faune a été menée par la Direction des Parcs Nationaux, avec la collaboration étroite du Commissariat Central de Kédougou, du Procureur de Kédougou et l’appui du Projet Eagle-Sénégal. Les deux présumés trafiquants de faune ont été surpris dans un hôtel de la localité, en flagrant délit de circulation, détention, tentative de commercialisation de 3 peaux de léopards, 17 ivoires d’hippopotames et une peau d’hyène.
Les deux présumés trafiquants ont été entendus sur les faits qui leur sont reprochés et affirment que toutes ces contrebandes proviennent du Sénégal, dans la région du Parc National du Niokolo Koba, dernier havre de paix de la grande faune sénégalaise, mais aussi du Mali et de la Guinée Conakry. Si les faits qui leur sont reprochés étaient avérés, ils risquent une peine d’un an d’emprisonnement, des dommages et intérêts et amendes à payer selon l’Article L32 du Code de la chasse et de la protection de la faune portant sur la détention, la circulation et la commercialisation d’espèces protégées ainsi que sur l’importation illégale d’espèces annexées à la Convention de Washington, aussi nommée « CITES » que le Sénégal a ratifiée et se doit de la faire appliquer sur l’ensemble du territoire national.
« La situation du trafic de faune est inquiétante dans le Sud du Pays. En effet, nous appuyons les services du Gouvernement du Sénégal dans la lutte contre la criminalité faunique depuis 2013 et nous n’avons jamais eu à constater avant 2020, une telle ampleur de trafic de peaux de léopard et d’ivoire d’hippopotames dans le Sud du pays. Ces deux espèces sont hautement protégées par des textes de loi sur l’ensemble du continent africain, y compris au Sénégal, car leurs populations sont proches de l’extinction continentale finale. En seulement 8 mois, les Parcs Nationaux, la Police Nationale avec l’appui de Eagle Sénégal ont saisi 10 peaux de léopards dont 2 bébés léopards, ce qui laisse clairement penser que la demande est si forte à présent que même les bébés autrefois épargnés sont aujourd’hui exterminés ! Pour début 2021 seulement, c’est déjà 5 peaux de léopards et 129 ivoires d’hippopotames saisies et confisquées ! Cela représente également un rythme de trafic de ces deux espèces deux fois supérieur aux 6 dernières années. Malheureusement toutes ces espèces en voie de disparition le sont parce qu’elle sont très recherchées par les trafiquants et leurs commanditaires afin de les importer-exporter illégalement pour de riches clients qui les achètent pour leur viande, vertus médicinales (scientifiquement prouvées inefficace) ou leur fonction décorative », a déclaré le coordinateur du projet Eagle-Sénégal, expert en criminalité faunique interrogé sur cette nouvelle affaire de peaux de léopards qui secoue à nouveau le Sud-Est du pays et plus particulièrement l’axe Tambacounda-Kédougou et Kolda.
Dans une période aussi sensible que nous vivons actuellement avec le virus du Covid-19, ce trafic d’animaux sauvages au Sénégal représente un nouveau risque accru de transmission virale entre l’homme et l’animal. « Mais ce n’est pas tout ! Nous rencontrons de plus en plus au Sénégal des réseaux de trafic de faune transfrontaliers bien organisés, en lien avec d’autres crimes connexes tels que le trafic d’armes et de munitions de guerre, le trafic de drogue et de bois protégé. Ces crimes connexes au trafic de faune sont reconnus par les Nations-Unies. La Communauté Internationale porte actuellement un regard attentif sur ces trafics connexes à la faune car ils sont dangereux pour le maintien d’une stabilité sécuritaire, économique et environnementale d’un Etat. Toutefois la lutte contre le trafic de faune et ses crimes connexes est plus qu’engagée au Sénégal avec de très bons résultats ces deux dernières années (un exemple pour l’Afrique de l’Ouest) grâce à une réelle dynamique de mise en application des lois par les ministères de l’Environnement, de l’Intérieur et de la Justice et de leurs directions en charge du la question », explique le coordinateur de Eagle-Sénégal. Il affirme que ce projet continuera à leur apporter expertise et formation sur ce crime encore méconnu ou parfois traité trop « légèrement » et maintient son appui effectif et transparent sur le terrain pour freiner et entraver le développement de ces réseaux criminels.
Cheikh Dione