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Interview avec Mao Sidibé: «La production au Sénégal, c’est compliqué»

Avec lui, la discussion est une pédagogie parlée, une leçon d’art et de vie. Une fenêtre ouverte sur le monde technique de l’art. C’est ainsi que s’articule l’entretien avec Mao Sidibé, du nom de cet artiste qui, après les premiers pas à Oscars des vacances, n’a pas chômé. Que non ! En effet, un saut dans l’Hexagone et il a professionnalisé son talent d’artiste multidimensionnel. Son entrée non voulue dans la musique, son travail de chanteur, de producteur, le monde scénique et hors scénique, Mao ne cache rien…

Mao, cela fait un moment que l’on ne vous a pas vu au-devant de la scène… 

Disons que j’ai quitté le devant de la scène pour le derrière de la scène. Je pense qu’il est tout aussi important d’être devant la scène que d’être derrière. Quand on est devant la scène, on a tout un public en face et on a une posture d’artiste, tandis que quand on est derrière, on est là pour les artistes. Et pour le coup, ça permet de comprendre comment cela se passe dans les deux postures. Je suis réalisateur de vidéo depuis 2007, mais ça m’a toujours passionné. Quand j’ai sorti mon album en 2015, j’ai dû mettre mon côté vidéaste de côté pour pouvoir mettre en avant le côté artiste. C’est ce que j’ai fait et à un moment donné, j’ai trouvé que ça tournait en rond, j’ai pris du recul et réfléchi sur ce que j’avais envie de faire par rapport à la musique, au style, entre autres. Ce sont deux métiers qui prennent beaucoup de temps et on ne peut pas faire les deux en même temps. A un moment, je me suis concentré sur la vidéo et à un autre sur la musique et c’est après, que j’ai sorti le single  « Love Again », histoire de redémarrer mon côté musical. Après deux ans d’absence, j’ai fait un concert à Ziguinchor et c’est à partir de ce moment-là que la Covid-19 est apparue et a un peu affecté le milieu musical. Et vu que j’avais cet aspect vidéo, je me suis plus penché dessus, vu qu’elle n’était pas affectée par la Covid. Pendant ce temps-là, il y a eu pleins de projets intéressants, qui m’ont appris beaucoup de choses. J’ai côtoyé pas mal de talents. A côté, il y a eu les reportages, les tournages de clips pour des artistes tels que Ma Sané, Omar Pène… Tout ça a fait que je me suis effacé du milieu.

Votre parcours musical ?

J’ai commencé vers les années 1993-94, il y a eu d’abord la danse avec le groupe Best of the Best et la participation au concours Oscars des Vacances jusqu’en demi-finale. Nous faisions beaucoup de compétitions de danse et plus tard, nous nous sommes lancés dans le rap, disons que nous avions besoin d’allier le rap  à la musique, nous avions des choses à dire. Par la suite, un producteur qui a été en contact avec un studio en France nous a proposé un enregistrement, et nous sommes allés en France pour notre premier album et des concerts. Finalement, nous y sommes restés pour continuer la musique. Avec le groupe, nous sommes passés du rap au reggae, puis du reggae à l’électronique en compagnie de No Bluff Sound pour beaucoup de tournées. Il y a eu des projets dont le rock avec le groupe Ben’Bop et c’est à la suite de l’éclatement de ce groupe que j’ai décidé de revenir au Sénégal. Ce qui me retenait en France, c’est l’amitié avec les gars avec qui j’ai grandi. Vu qu’il n’y avait plus de groupe, plus de musique, je me suis dit que c’était l’occasion de revenir chez moi au Sénégal. A partir de là, j’ai commencé une nouvelle carrière en solo qui, au départ, n’était pas voulue. C’est parti d’un son, Sunshine, destiné à ma famille. Un Dj mettait le son à la radio et les gens ont kiffé. Je me suis dit pourquoi ne pas essayer un autre single et c’est de là que tout est parti.

 Dites-nous en un peu plus sur votre style musical

Je suis très curieux ! Aujourd’hui mon style musical est teinté de toutes ces « vibes » (reggae, electro, rock, rap). Même quand je ne rappais plus, j’étais compositeur de rap pendant longtemps. D’ailleurs celui avec lequel on m’a le plus connu, c’est Nitdoff. Il y a aussi le fait que quand j’étais petit, mon père écoutait beaucoup de musique Mandingue. Mes frères, eux, ils étaient plus pop-rock. Et c’est tous ces mélanges de sonorités qui sont un peu en moi. Je ne cherche pas à faire un style.

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Que deviennent les autres membres du groupe Bbc Sound System? Êtes-vous toujours en contact? 

Ils sont toujours là, nous sommes toujours amis, même si nous ne vivons pas dans le même pays. Mansour, Kadou sont restés en France. Quand nous étions là-bas tous ensemble, nous avions fait une formation de technicien- son -live. Nous  travaillions dans des salles de concerts. Eux continuent à y travailler. Nous sommes restés très amis. L’affinité est toujours là, chacun prend des nouvelles de l’autre, nos liens sont toujours aussi forts.

 Pourquoi cette préférence de la production sur la musique ?  Est-ce temporaire ou bien définitif ?

Bien sûr que c’est temporaire ! Mon premier amour c’est la scène. Cela fait deux ou trois ans que je n’y suis pas monté et ça commence à me manquer. Si je devais choisir en termes d’envie, ce serait vraiment la scène, la musique. Mais c’est vrai qu’au niveau financier, la production vidéo rapporte plus, mais ce n’est pas le plus important.

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Comment se présente la production au Sénégal ? 

La production audio diffère de la production vidéo. Mais j’ai aimé travailler en tant que producteur de sons, produire des artistes. Mais disons qu’aujourd’hui, ça m’intéresse moins de produire des artistes. Par contre, j’adore faire des vidéos pour des artistes, c’est une énergie qu’on partage. Sinon pour la production au Sénégal, c’est compliqué. Forcément quand on produit quelqu’un, il ne faut pas s’attendre à gagner de l’argent, les gens n’achètent plus. On sort un album aujourd’hui, demain tout le monde l’a et personne ne l’a acheté,  du coup, on n’a pas un retour sur investissement. Et c’est la raison pour laquelle quand je produis un album, je ne me dis pas que je vais gagner de l’argent. Je le fais parce que j’en ai envie et que j’ai envie de partager ma musique, mon énergie. En tant que tel, la production ne rapporte plus beaucoup d’argent, même s’il y en a qui s’en sortent. Avec la production vidéo, c’est différent, on est payé, on nous donne un budget pour faire un produit. Pour autant, ces deux métiers sont quand même difficiles.  Au Sénégal, il y a beaucoup de gens qui veulent faire de la vidéo, mais qui n’ont pas forcément le budget adéquat. Les gens estiment toujours qu’ils n’auront pas un retour sur investissement. Par contre, il y en a qui mettent de temps en temps, de l’argent dans les vidéos. Mais là où l’on gagne vraiment de l’argent dans la production de vidéos, c’est avec les reportages, les publi-reportages, les publicités, mais pas forcément avec les clips.

Des projets en vue ?

Me remettre dans la musique déjà ! Sinon j’ai encore quelques vidéos à réaliser et des projets de reportages et des clips à faire. Le mois de mai sera un peu le retour dans la production de ma musique, d’un nouvel album.  Mais je n’ai pas encore pu trouver du temps, avec tous les voyages que je fais depuis deux ans, de pouvoir me poser et de me mettre à composer. Je pense m’y remettre au mois de mai et essayer de trouver des idées pour pouvoir faire un nouvel album. Cette année, c’est mon projet perso que j’ai envie de refaire : donner un petit frère à l’album « Accent Grave ».

 


ANNA THIAW

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