Les guinéens ont voté ce dimanche pour élire leur Président de la République d’une façon qui s’est voulue démocratique.
Une présidentielle contestée mais non boycottée par tous.
Contesté, parce que le président sortant, le Professeur Alpha Condé, a dû faire modifier la Constitution en 2016, par référendum, contre vents et marées, pour pouvoir se représenter à un troisième mandat. Le Front national de défense de la constitution (Fndc) avait organisé des contestations qui, jusqu’ici, ont fait 50 morts selon Amnesty International et 100 morts selon Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG et principal opposant à Condé.
Cependant, le scrutin présidentiel n’est pas boycotté par tous. Cellou y a été. Et à ses côtés, dix autres candidats ont tenté leurs chances. Mais, Condé et Cellou représentent, tous les deux, 70% de l’électorat guinée.
Cinq des candidats ont été des proches d’Alpha Condé. Les deux femmes, toutes deux portant les prénoms Makalé, ont assumé de hautes fonctions à ses côtés. L’une d’elle a été Ministre des Affaires étrangères.
En clair, il n’y a que deux candidats dignes de ce nom. Car, les autres comme Sidya Touré, ont préféré, dans le cadre des activités du FNDC, boycotté le scrutin, ce qui est, aux yeux de nombreux guinées dont les partisans de Cellou Dalein, une forme de boulevard aménagé à Alpha Condé pour la victoire.
En clair, si Cellou a décidé de participer au scrutin, les autres candidats les plus influents de l’opposition sont dans le boycott, ce qui fait que l’on ne peut pas parler, en Guinée, de report décisif des voies en cas de second tour, dans un contexte pareil.
La réalité des batailles politiques en Guinée se déroule avec en toile de fond, une question ethnique lancinante : le duel, c’est entre les Malinké, plus de 20% de la population, contre les Peulhs, plus de 35% de la population. Et la Guinée forestière avec d’autres ethnies comme les Soussous ou autres, ont toujours joué un rôle d’arbitre votant tantôt pour les uns, tantôt pour les autres.
Le problème des peulhs pour cette présidentielle, c’est que la plupart ne sont pas inscrits. Sur les 5,4 millions d’électeurs, Alpha Condé a réussi la prouesse d’inscrire 20% des électeurs dans son fief et seulement 8% dans le fief de Cellou. Les inscriptions à Conakry sont de l’ordre de 19%. La diaspora peulh est bloquée à la frontière pour ce qui concerne le Sénégal, la Guinée-Bissau et la Sierra-Léone, mais dans tous les cas, plusieurs d’entre eux n’ont pas de cartes d’électeurs et n’auraient pas pu voter.
Cellou Dalein a certes des soutiens de taille comme la Coalition citoyenne des libéraux pour l’alternance, une coalition de partis politiques et d’associations de jeunes et il a réussi, cette fois-ci, à percer dans des zones qui jusqu’ici étaient des fiefs de Alpha Condé, mais cela risque de ne pas suffire à lui assurer la victoire. C’est Condé qui a fixé les règles du jeu et qui a capitalisé le maximum de chances en sa faveur.
En plus, avec la mission conjointe de la CEDEAO, de l’Union africaine et des Nations-Unies en Guinées, les 1er et 02 octobredernier, le processus électoral a été avalisé parce que le fichier audité à l’aide de trois experts de la CEDEAO. Plus de deux millions d’inscrits fictifs avaient été détectés.
Malgré les mises en garde du représentant de l’Union européenne, il est clair que la communauté internationale va avaliser les résultats parce que la Ceni est composée de 7 membres de l’opposition et de 7 membres de la Société civile.
Le risque maintenant, c’est celui de la violence. Il y a des mutineries il y a de cela quelques jours même si l’Armée a été bien traitée par Alpha Condé avec une augmentation salariale de 20% des soldes.
Les violences post-électorales pourraient être inévitables dans un pays où les forces de défense et de sécurité ont l’habitude de tirer sur les foules.
Cependant, les observateurs avertis de la vie politique en Guinée restent aussi convaincus que Cellou Dalein Diallo n’est pas un homme de violence et qu’il saura avoir l’attitude nécessaire pour calmer ses troupes.
Car, Cellou qui est le principal adversaire d’Alpha Condé sait que ce sera difficile pour lui de gagner les élections. Mais, il compte sur l’âge avancé de son adversaire au pouvoir. Il sait cependant que le temps joue en sa faveur parce qu’Alpha Condé ne pourra plus durer au pouvoir et il n’a pas dauphin en vue.
Donc, Cellou n’est pas pressé et ne doit pas l’être. C’est pour cela qu’il brandit souvent l’argument de l’âge d’Alpha Condé dans ses différents déplacements à l’intérieur de la Guinée.
Il sait qu’a 82 ans, le temps lui est compté et que cela ne sert à rien d’essayer d’accéder au pouvoir par la violence.
Mais, dans tous les cas, une future probable victoire d’Alpha Condé ne fera qu’accentuer la division et l’incompréhension des communautés dans un pays déjà fortement éprouvé par les tensions politiques et la pauvreté.
Assane Samb