Il est de coutume d’entendre dans les débats et discours officiels certaines personnes répéter depuis des décennies et de manière obsessionnelle que tout le monde nous regarde nous autres sénégalais. Il est vrai qu’hier, érigé d’une riche synthèse doctrinale, traditionnelle et moderne, notre peuple donnait l’image d’une société où venait se mirer beaucoup de Nations africaines qui puisaient de leçons. N’avions-nous pas dans le temps aidé certains Etats à se faire ? N’ayant ni de compte à rendre ni de leçon à recevoir de personne, nous donnions alors l’impression avec un sens aigu de l’honneur d’être le dernier des Mohicans. L’exception culturelle sénégalaise, si tenté qu’elle a existé et qui faisait qu’on se prenait pour les meilleurs dans tous les domaines, a fini par cultiver une attitude sommeillant chez beaucoup de sénégalais, et de dévoyer nos virtualités. On a semblé oublier que pour que l’excellence soit, pour qu’on vous regarde avec une certaine pointe d’admiration, il faut sublimer la passion et l’humanisme dans toutes les entreprises.
Aujourd’hui, ce paradis terrestre qu’on nous envie et où venaient en pèlerinage beaucoup d’africains, donne l’image d’une quincaillerie sociale qui fait beaucoup de bruit pour peur. Ces recettes n’attirant plus les clients. Ne croyant plus à la vertu des contradictions, beaucoup de compatriotes optent pour le cynisme comme moral, le franc comme fin au moment où les chefs de famille deviennent des angoisses ambulantes ; et l’université qui devait servir de lieu de convergence et d’excellence est transformée en garderie d’adultes. La conscience d’être un même peuple et de relever ensemble les défis du développement s’est diluée par suite d’intrigues politiciennes dans une course effrénée aux mondanités au moment où la cabale et l’intolérance gagnent du terrain.
Aujourd’hui, nous avons rejoint les rangs et nous sommes comme tout le monde. Nous pouvons rependre notre juste place en Afrique et dans le monde en nous ouvrant et en ouvrant nos cœurs, en dialoguant avec notre héritage culturel, non pour nous y complaire mais pour nous y puiser de leçons ou nous en départir en connaissance de cause, dans un monde qui, de proche en proche, s’animalise. Il nous faut comprendre que nous ne sommes ni l’égal des dieux ni des grandes puissances qui ont compris que pour être toujours présents, il ne faut point douter de ses valeurs ni se surestimer. Sous ce rapport, la vérité et le plaisir ne sont pas toujours dans la paresse ni dans la parole mais aussi dans le silence, qui est un contact, un grand message.
Pape Amadou Fall