Du Reggae man, il a le côté révolutionnaire mais aussi le côté éclectique. Et ce bicéphalisme suinte dans son propos, comme dans sa musique. Ombre Zion est une voix qui ne perd pas sa voie. Au jeu des questions réponses avec Rewmi, il n’a pas fait la fine bouche, l’authenticité et la franchise étant son credo, il est revenu sur son parcours, son actualité et ses projets.
D’où vient votre nom d’artiste OMBRE ZION ?
Ombre vient de mon nom Oumar ! Quand j’étais plus jeune, au quartier on m’appelait Ombre, j’ai combiné le Ombre avec Zion qui signifie : l’Afrique, la terre promise, l’Afrique pour avoir un nom qui sonne beaucoup plus reggae.
Vous êtes né à Pikine et avez grandi dans un environnent REGGAE. Qu’est-ce qui vous attire dans ce style musical ?
J’ai grandi avec mon grand-père et cela m’a permis de côtoyer mes oncles qui se retrouvaient chaque week-end autour du thé et mettaient toutes sortes de musiques. Je me plaisais bien dans cet environnement, cette ambiance, j’étais ce petit garçon curieux au milieu des adultes. En cachette, je me permettais de reprendre certains morceaux. Je suis tombé sous le charme du Reggae, j’étais fasciné par la façon de danser des Jamaïcains. Ça m’a inspiré et c’est de là que j’ai eu ce côté éclectique. J’ai toujours été passionné d’art, pour ceux qui ne le savent pas, je suis dessinateur de profession. Un ami de mon oncle m’invitait souvent quand il jouait de la guitare et je m’amusais à faire des reprises de quelques artistes, dont Youssou Ndour. Plus tard, au collège, j’ai rencontré deux amis qui, comme moi, étaient passionnés de musique. A la récré, nous assurions l’ambiance en freestyle, a capella, beat boxing. C’était ma première école et mon premier groupe SUPREM KAADU MAGG
Vous avez mis sur pied SUPREM KAADU MAGG (SKM) en 1994. En 2005, vous entamez votre carrière solo.
Trois jeunes passionnés de musique, nous nous retrouvions les mercredis pour les répétitions. Nous avons fait notre première session de studio vers les années 98 parce que nous n’avions pas les moyens. Il y avait un groupe de reggae dont nous étions très fan et lors d’un festival, nous sommes allés à la rencontre d’un de ses membres et lui avons fait écouter ce que nous avions produit. A notre grande surprise, il nous a fait mon- ter sur scène lors du festival. Chose à la- quelle nous ne nous attendions pas ! Il y avait de grands artistes, dont Xuman qui a d’ailleurs beaucoup apprécié notre prestation. Il nous a proposé de faire l’intro d’une compilation de reggae qui finalement, n’était pas sortie et où il y avait Carlou D, Fafady. Après, nous avons eu la chance de participer à un concours à l’Institut français en 2004. Nous avons été primés et cela nous a permis de jouer sur la grande place de la Nation. C’est de là que tout est parti. Plus tard, chacun de nous a fait sa carrière solo. J’ai eu la chance d’être sollicité par tous les mouvements hip-hop, de faire des featuring, ce qui m’a donné une petite visibilité. Vers 2009, j’ai mis sur pied mon orchestre et fait la quasi totalité des festivals du pays.
Vous avez pris part à de nombreuses compilations…
Le hip-hop m’a permis de me développer, de m’ouvrir à d’autres genres musicaux. Ça m’a permis de participer à pas mal de projets nationaux comme inter- nationaux, à des compilations avec des artistes de renom. Côté reggae, j’ai chanté avec de grands artistes jamaïcains et aussi j’ai eu des featuring avec des artistes d’ici. J’ai également participé au dernier album de Youssou Ndour, en tant que co-auteur d’un des titres. Quand j’ai vu mon nom affiché sur la liste des gens à remercier, ça m’a fait plaisir. Cela m’a rappelé quand, jeune drille, je reprenais ses chansons.
ZION ENTERTAINMENT est votre propre label avec deux projets : #2016DougnouLaalWethiet et Rude Boy Inna Capital : comment tout cela est né ?
ZION ENTERTAINMENT est un label que j’ai créé en 2005 avec quelques amis. Pour ce qui est de l’album#2016DougnouLaalWethiet, mes concerts live m’ont valu des gains que j’ai utilisés pour le produire. En Décembre 2020, j’ai sorti un EP de 14 titres, le contexte de la Covid-19 nous ayant empêché de sortir un album. Cet EP Rude Boy Inna Capital Volume 1, a d’ailleurs été nominé par une plateforme en France. J’avais été nominé dans la même catégorie que Tiken Jah Fakoly, Patoranking, entre autres. C’est une fierté que notre travail soit reconnu à l’international. Mes albums précédents, je les appelle des albums de promo mais ceux à venir, seront mes débuts d’albums. Un album 100% afrobeat est presque à terme, un autre album reggae est aussi réalisé par un Français. Ils seront officiellement disponibles sur toutes les plateformes.
Lauréat du festival Africa Keur en 2004, avez-vous eu d’autres distinctions ?
En 2004, j’ai été lauréat du Festival Africa keur, nominé aux Galsen Music Hip-Hop Awards dans la catégorie meilleure vidéo de l’année. En 2016, j’ai été nommé l’artiste le plus innovant. J’ai envie de représenter le Sénégal partout. Les autres artistes africains arrivent à remporter des trophées comme les Grammys, pourquoi pas nous ? Je trouve qu’il y a beaucoup de travail à faire. Il faut que le public arrive à streamer pour que nous aussi, nous nous sentons dans le digital. Si nous nous limitons au buzz local, nous n’arriverons à rien. Je veux avancer lentement mais sûrement !
Alors comment trouvez-vous le REGGAE au Sénégal ?
Le reggae sénégalais a du potentiel ! Nous avons tout ce qu’il faut, des musiciens, des artistes même s’ils ne sont pas nombreux, un public, entre autres. Le hic c’est que niveau promotion, ce n’est pas trop ça, il reste beaucoup à faire. On ne peut pas défendre une musique qui n’a pas de contenus, ils ne sont pas nombreux les artistes qui sortent des albums. Il faut aussi injecter beaucoup d’argent pour que la qualité soit là. Il n’y a que 2 voire 3 émissions reggae qui n’a pas une bonne diffusion. Il faut que nous continuions à nous battre, je suis d’avis que si ça ne marche pas ici, nous pouvons vendre notre musique ailleurs. Dernière- ment il y a eu le Festival MASA à Abid- jan, j’y ai joué et mon reggae a cartonné. Ce ne sont pas toutes les maisons de productions qui produisent les reggae man, ils sont plus intéressés par d’autres styles de musique. Ce qu’il faudrait c’est continuer à se battre, sortir d’avantages de projets, défendre le reggae, soigner son image pour pas que les gens pensent uniquement que le reggae ce n’est qu’une question de dreadlocks. Les artistes reggae sont cool, clean, ils s’habillent bien, sentent bon, et de surcroît chantent bien et font passer des messages utiles à tous. Le reggae a un avenir !
On ne voit pas souvent vos spectacles au Sénégal : pourquoi ?
Je ne joue plus souvent. Mais, des concerts, j’en ai fait des tonnes. Auparavant, chaque mois, je faisais au minimum 4 concerts. Et comme dit l’adage : « khare dafaye wessou mboté », autre- ment, il y a un âge pour tout. Là, ma vision c’est de conquérir l’international. De 2007 à 2019, je faisais des spectacles, je le faisais de temps à autres, juste pour vendre ou pour mon public qui veut me voir sur scène. Le constat est que depuis mon retour du Canada, il n’y avait que de petits restaurants et ces derniers ne proposaient pas un bon cachet, et l’autre constat est qu’ils cherchaient des artistes de variétés, Moi je n’en suis pas un. Je trouve ça un peu minimaliste par rapport à ce que je veux faire : conquérir le monde, remplir les grandes salles de New-York, Londres, France. Je n’accepterai pas de jouer pour des miettes, je ne prends que les bons cachets. Il faut que la donne change !
ANNA THIAW