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Alioune Diagne, artiste peintre : Immersion dans l’univers liquide des tableaux d’eau….

Peintre de l’eau, votre invité people du jour n’est toutefois pas emprisonnable dans un carcan. Esprit libre, depuis l’enfance, habité par une muse éclectique, il a grandi investi du sentiment de servir sa communauté par le truchement de son art. Parfois incompris comme le sont tous les grands esprits, il a cheminé, le cœur empli de l’abnégation des téméraires. Vivant au sein des hommes comme un liquide intenable, il a choisi l’eau comme principe esthétique dont ses tableaux peignent les scènes d’une humanité quotidienne. Artiste engagé, ses thématiques dessinent les vicissitudes de la vie moderne allant des affres halieutiques aux offres migrantes qui ont comme dénominateur commun l’eau et ses vies. Citoyen du monde, ses œuvres, d’une pluralité sémantique sont transfrontalières et parlent un langage universel.  

Vous êtes diplômé de l’École des Beaux-Arts de Dakar. Que retenez-vous de cette formation dans le développement de votre démarche artistique ?

J’ai toujours ressenti le besoin de dessiner pour m’exprimer, même si, plus jeune, ça a souvent été  mal compris. Entrer à l’École des Beaux-Arts de Dakar, a été une vraie révélation pour moi. J’y ai  trouvé un cadre où je me sentais enfin à ma place, ce qui m’a beaucoup encouragé. J’y ai découvert  différentes techniques, j’ai pu expérimenter, et aussi découvrir l’histoire de l’art, les courants  artistiques. Tout cela m’a donné envie de développer mon propre style, de construire un langage  visuel qui me soit personnel.

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L’eau est un fil conducteur de votre travail. Qu’est-ce qui vous a apporté à faire de cet élément un thème central ?

L’eau occupe une place centrale dans mon travail depuis longtemps, pour plusieurs raisons. Depuis  toujours, je suis très inspiré par les scènes de vie quotidienne, que ce soit dans mon pays ou au  cours de mes voyages. J’ai souvent peint des scènes ayant lieu sur les quais de pêche au Sénégal, des  scènes de vie côtières, des enfants qui jouent et se baignent, des moments de vie simples. En  observant ces scènes, j’ai aussi pris conscience de la pollution maritime, très présente au Sénégal, et  de ses conséquences sur les pêcheurs et les communautés locales. Mais un vrai tournant s’est produit en 2023, lorsque j’ai développé mon projet d’exposition Ndox Glint (l’eau scintillante) avec le musée des Beaux-Arts de Rouen autour du thème du fleuve, en  dialogue avec les maîtres de l’impressionnisme. Dans le cadre de ce projet, j’ai voyagé le long du  fleuve Sénégal, à Saint-Louis, Matam, Dagana, Podor, et j’ai vu à quel point l’eau y est essentielle : elle rythme la vie quotidienne, elle est véritablement source de vie. J’y ai observé les lingères, les  habitants qui viennent abreuver leurs troupeaux dans le fleuve, les pêcheurs, et toutes les activités  qui tournent autour de l’eau… C’est aussi là que j’ai rencontré d’anciens pêcheurs devenus passeurs  de migrants, à cause de la pénurie de poisson liée à la pollution et à la surpêche pratiquée par des  bateaux étrangers. Ces récits, et les drames liés à la migration clandestine dont on entend beaucoup  parler dans l’actualité au Sénégal m’ont profondément marqué. J’ai eu besoin de retranscrire ces  témoignages à travers ma peinture et mes expositions. J’ai par exemple réalisé une exposition  intitulée « Seede », témoignage en Wolof, centrée sur les récits des migrants en Méditerranée.

Vos œuvres traitent de thèmes très engagés. Pourquoi est-ce important pour vous d’utiliser l’art comme outil de dénonciation ou de sensibilisation ?

Pour moi, l’art est un moyen puissant de faire passer des messages. À travers mes tableaux, j’essaye  de sensibiliser, aussi bien les jeunes du Sénégal, qui peuvent penser que l’Europe est une solution  idéale, que le public international, en montrant une réalité plus nuancée de mon pays, loin des  clichés. Je parle aussi de sujets qui me touchent profondément, comme les discriminations ou les  injustices sociales. La peinture, c’est ma manière de m’exprimer, de montrer des scènes qui me touchent, mais aussi de  dénoncer. Grâce à ma technique, je sais que mes œuvres attirent d’abord le regard par leur  esthétique : les couleurs, les signes… Et puis, en les regardant plus attentivement, le spectateur  commence à décrypter ce qui se joue dans la scène, à comprendre le message derrière l’image. Cela  crée un moment de pause, d’introspection, qui peut mener à une prise de conscience, ou donner  envie de se renseigner davantage sur les sujets que j’aborde.

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Dans « Géeju Neefare – Plastic Sea » par exemple, vous dénoncez simultanément pollution et migration. Comment l’art peut-il porter ces messages sociétaux ?

Le tableau Géeju Neefare – Plastic Sea, récemment acquis par la Fondation Schneider à Wattwiller,  est une œuvre qui me tient particulièrement à cœur. On y voit en effet une scène de vie montrant  deux femmes et un enfant dans une pirogue, près du rivage. À l’arrière-plan, l’océan s’étend avec quelques pirogues vides qui flottent au loin. Au premier regard, les formes colorées qui entourent la  pirogue peuvent sembler presque abstraites mais en s’approchant, on comprend qu’il s’agit en fait  d’amas de déchet plastique. J’ai voulu représenter la réalité de la pollution des côtes sénégalaises. À  travers cette œuvre, je cherche à montrer comment la pollution marine affecte profondément les  communautés locales. La pêche est une ressource vitale au Sénégal, et quand les poissons se font  rares à cause de la pollution ou de la surpêche, c’est tout un mode de vie qui est menacé. Certaines  personnes décident de tenter de partir, au péril de leurs vies. Je crois justement que l’art a cette force, celle de porter des messages sociétaux. C’est d’abord  l’esthétique, le style, les couleurs, qui attirent le regard. Mais ce qui fait que le spectateur reste, c’est  ce qu’il découvre peu à peu, le message qui se cache derrière l’image. L’art pousse à s’arrêter, à  regarder autrement. Et quand il est montré dans des lieux ouverts à tous, comme les musées ou les  espaces publics, il peut faire passer ces messages auprès d’un large public, des enfants comme des  adultes. C’est une forme de langage qui traverse les générations.

Vous avez exposé dans des lieux prestigieux, comme le Musée des Beaux-Arts de Rouen ou encore à la 60ᵉ Biennale de Venise. Que représentent ces reconnaissances pour vous, en tant qu’artiste africain ?

L’exposition au musée des Beaux-Arts de Rouen a été une étape importante pour moi, c’était ma  première exposition personnelle dans un musée. J’ai eu la chance de présenter mes œuvres en  dialogue avec celles des impressionnistes du XIXe siècle (19 e siècle). Cette mise en perspective a été pour moi  une expérience à la fois forte et enrichissante. Participer à la Biennale de Venise a aussi été une grande expérience et un moment décisif pour moi.  J’ai eu l’honneur de représenter mon pays pour la toute première participation du Sénégal à cette  biennale, qui est un des évènements majeurs de l’art contemporain et j’en suis très reconnaissant.  Pour moi, c’était l’occasion de montrer la richesse artistique de mon pays, son rayonnement  artistique, et de contribuer, à ma manière, à faire entendre nos voix sur des scènes internationales.  C’était aussi important pour moi d’ouvrir la voie à d’autres artistes sénégalais.

 D’ailleurs y a-t-il une différence dans la réception de votre travail entre les publics africains et internationaux ?

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Je ne ressens pas de différence majeure dans la réception de mon travail entre les publics africains et internationaux. Ma technique agit un peu comme un langage visuel universel, qui permet à  chacun, où qu’il soit, de se sentir proche de mes tableaux. J’aborde des thèmes comme la migration,  l’enfance, les espaces d’échange et de sociabilité comme les marchés qui peuvent toucher tout le  monde. Cela dit, au Sénégal, mes œuvres résonnent souvent de manière plus intime. Quand je représente  des scènes de vie quotidienne, nos traditions, cela peut parler directement aux sénégalais qui se  reconnaissent dans mes tableaux.

Vous avez été lauréat de la fondation François Schneider. Que signifie cette distinction pour vous ?

Je suis très heureux d’avoir reçu cette distinction. La Fondation François Schneider est une  institution que je respecte beaucoup, notamment pour la qualité de sa programmation et son  engagement autour du thème de l’eau, qui est aussi au cœur de mon travail. C’est une vraie  reconnaissance pour moi, et je suis très touché à l’idée que l’une de mes œuvres intègre ses  collections.

Quels sont vos projets futurs ?

En ce moment, je travaille sur plusieurs projets d’expositions, aussi bien au Sénégal qu’à  l’international. Parmi eux, il y en a un qui me tient particulièrement à cœur, car il est très lié à mon  pays. C’est un projet que je suis en train de construire et que je dévoilerai prochainement.


ANNA THIAW

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