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Sénégal : Réaligner les finances publiques au service de la Vision Sénégal 2050 du renouveau national

Au moment où l’Afrique se bat pour concilier croissance économique, stabilité sociale et rigueur budgétaire, le Sénégal se retrouve à un tournant critique de sa trajectoire financière. L’analyse comparative de l’exécution budgétaire entre le quatrième trimestre de 2024 (T4-2024) et le premier trimestre de 2025 (T1-2025) révèle un tableau contrasté. À la fois prometteuse et préoccupante, la situation budgétaire du pays appelle à des décisions courageuses pour éviter un affaiblissement de la dynamique économique enclenchée ces dernières années.

Une fin d’année 2024 performante, mais un premier trimestre 2025 aux signaux d’alerte clairs

La performance du T4-2024 avait de quoi rassurer. Avec un taux d’exécution des recettes à 103,9 % et des dépenses à 103,7 %, l’État sénégalais a su mobiliser efficacement ses ressources. Les recettes fiscales sont en croissance par rapport au même trimestre de l’année précédente, tandis que les recettes internes globales dépassaient les prévisions. Ce sursaut témoigne d’un appareil fiscal mieux organisé et d’une administration budgétaire globalement rigoureuse.

Mais ce bilan cache de sérieuses vulnérabilités. Dès le T1-2025, les limites du modèle actuel apparaissent : un effondrement des dons (-71,5 % en glissement annuel), un taux d’exécution des ressources externes quasi nul (3,3 %) et un démarrage particulièrement lent des investissements publics (0,86 % d’exécution des dépenses en capital).

La fiscalité, socle d’un nouveau contrat social

Au cœur du nouveau projet de gouvernance budgétaire, la mobilisation des ressources internes représente un levier central. Le premier trimestre 2025 a tout de même confirmé une progression de 11,6 % des recettes fiscales par rapport à la même période de l’année précédente. Ce résultat est un signal encourageant pour la nouvelle administration, qui souhaite asseoir le financement du développement sur la base d’un effort fiscal national et équitable.

La Vision Sénégal 2050 entend sortir du piège des recettes faciles, souvent conditionnées, pour construire une justice fiscale réelle. Cela suppose une réforme audacieuse de l’assiette, une lutte frontale contre l’évasion, et un dialogue nouveau entre l’État et les contribuables. Le dynamisme observé doit ainsi devenir structurel, soutenu par des outils numériques, une administration de proximité et une transparence renforcée.

Des fragilités budgétaires à résorber pour ne pas hypothéquer la relance

Les grandes faiblesses de la gestion passée se sont cristallisées dès janvier 2025. Les investissements publics sont quasiment à l’arrêt, avec un taux d’exécution des dépenses en capital de 0,86 %. Le secteur agricole, pourtant déclaré stratégique, reste marginalisé dans l’allocation réelle des ressources, tandis que les projets d’infrastructures ou de santé subissent des retards majeurs avec des taux d’exécution inférieurs à 5%.

Les arriérés de paiement atteignent des sommets, de plus de 500 milliards de FCFA fin 2024, mettent en péril la liquidité des entreprises nationales, en particulier les PME. Le tissu économique local, moteur de l’emploi, est ainsi directement impacté par les lenteurs de l’État. Cette situation risque d’avoir des effets sur les engagements de la Vision 2050 qui fait de la promotion des champions nationaux et du contenu local une priorité.

Par ailleurs, la dette des organismes publics, évaluée à près de 800 milliards de FCFA, constitue un passif de plus en plus difficile à contenir. Avec une structure dominée par l’endettement bancaire, elle alourdit la pression sur le système financier domestique et appelle une refonte urgente de la gouvernance des entités parapubliques.

Un nécessaire rééquilibrage budgétaire au service de la souveraineté économique

Le Sénégal nouveau veut rompre avec une économie sous perfusion. Cela implique un recentrage profond du budget sur les priorités nationales et sur les résultats concrets. La relance des investissements publics doit s’opérer de façon ciblée, en privilégiant les projets à forte valeur ajoutée pour la population : éducation de qualité, santé de proximité, agriculture résiliente.

L’outil budgétaire doit devenir un véritable catalyseur de transformation structurelle. Pour cela, il faut renforcer la chaîne de planification–programmation–budgétisation–suivi-évaluation, digitaliser totalement l’exécution budgétaire et mettre fin aux procédures bureaucratiques qui bloquent les décaissements. La Vision Sénégal 2050 invite à une gestion agile, où chaque franc mobilisé produit un impact social mesurable.

La soutenabilité de la dette nationale repose de nouveau question. Estimée à 75 % du PIB, elle dépasse les seuils de prudence recommandés par la CEDEAO et alimente une hausse continue des charges financières, qui ont progressé de près de 24 % au premier trimestre 2025. À ce rythme, le service de la dette risque de grignoter une part toujours plus importante des ressources publiques, au détriment des investissements de développement. Le service de la dette absorbe 16 % des dépenses totales, menaçant la soutenabilité financière du pays. Même si le gouvernement actuel fait des efforts en ce sens, il est primordial de continuer d’auditer certains engagements passés, de restructurer une partie des créances commerciales et d’envisager des solutions innovantes comme les obligations à impact social ou environnemental.

La transparence comme boussole d’une nouvelle gouvernance budgétaire

Dans l’esprit de rupture, de justice et de reddition de comptes porté par les nouvelles autorités, la transparence budgétaire ne doit plus être un simple engagement formel, mais une exigence permanente et vérifiable. Elle constitue désormais l’ossature d’un pacte républicain rénové entre l’État et les citoyens. Dans cette perspective, la publication régulière, intelligible et ouverte des données budgétaires devient une priorité nationale.

Le respect strict du Code de transparence des finances publiques doit être renforcé par de nouveaux mécanismes de suivi citoyen, une numérisation complète du cycle budgétaire, et la généralisation des audits indépendants. Chaque ligne de dépense doit pouvoir être tracée et chaque arbitrage justifié, dans une logique de redevabilité ascendante, où le citoyen n’est plus un spectateur passif, mais un acteur du contrôle démocratique.

Cette transparence accrue doit aussi s’appliquer aux entreprises publiques, aux établissements parapublics et aux programmes financés sur ressources extérieures. Elle implique une gouvernance ouverte, décentralisée, et participative, où les collectivités territoriales et la société civile sont pleinement intégrées dans les circuits de planification et de suivi.

Le budget de l’État ne peut plus être perçu comme une boîte noire technocratique, réservée à quelques initiés. Il doit redevenir un outil lisible, partagé et débattu. Un budget transparent, c’est un budget qui favorise la justice sociale, car il permet de rendre visibles les priorités, de dénoncer les inégalités de traitement, et de corriger les défaillances de l’allocation publique. À l’image du cap fixé par la Vision Sénégal 2050, la gouvernance budgétaire du futur doit replacer l’humain, l’équité et la confiance au centre de l’action publique. Le budget devient ainsi non seulement un instrument de développement, mais aussi un miroir de la démocratie.

Conclusion

L’analyse des performances budgétaires entre fin 2024 et début 2025 met sur la table une tension profonde entre l’héritage d’un modèle fondé sur la dépense contrainte et la promesse d’un nouveau départ basé sur la souveraineté et l’efficacité. Le gouvernement en place hérite d’une situation financière délicate, mais aussi d’un capital de confiance populaire inédit.

La Vision Sénégal 2050 appelle à un sursaut. Celui d’un budget recentré sur l’intérêt général, libéré des carcans technocratiques, et porté par une ambition souveraine de développement. Le défi est grand, mais la voie est désormais tracée.

Dr. Ibrahima Gassama, Québec

Économiste, PhD.


Mail : igassama@gmail.com

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