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Taxation sur le tabac: Le Sénégal ne bénéficie que de 23 % des taxes

Dans le tabac, le Sénégal perd plus qu’il ne gagne. Sur le marché du tabac qui est de 50 milliards F Cfa, il n’y récolte que 22 milliards F Cfa de recettes fiscales, ce qui est non seulement minime, mais doit pousser le pays à appliquer la directive Cedeao pour mieux bénéficier des retombées du tabac et de ses dérivés au détriment de l’industrie du tabac.

Le Sénégal perd beaucoup d’argent dans le tabac dont le marché avoisine les 50 milliards F Cfa. Il n’y bénéficie que de 22 milliards F Cfa en recettes fiscales. Ce qui veut dire que le Sénégal perd plus qu’il ne gagne dans le tabac. Parce que, tout le reste revient aux industries du tabac, ce qui aberrant. Alors que l’Oms réclame 70 % des taxes pour toutes ses pays membres, au Sénégal on est à 23 %, d’ailleurs loin derrière ce que préconise l’Organisation mondiale de la santé. Dans ce même sillage, le Sénégal dépensait 54 milliards F Cfa pour soigner les méfaits de ce produit. Tout ça, pour dire que le tabagisme n’apporte rien à la société sénégalaise. Ce qui fait dire à Bamba Sagna, membre de la société civile que la politique fiscale du tabac au Sénégal a des limites terrifiantes. Car, il y a l’impossibilité pour la taxation actuelle d’impacter sur les prix. Mais, il y a aussi un accroissement significatif du revenu de l’État sur deux raisons : une faible base fiscale et ; les lacunes de la taxe de type ad valorem (sur la valeur déclarée en devise locale) comparée à la taxe de type spécifique (sur la qualité constatée en kilogramme ou nombre de paquets).

Raison pour laquelle, il plaide pour l’applicabilité de la directive Cedeao par l’État du Sénégal. Cette directive de la Cedeao en lieu et place de celle de l’Uemoa dont le Sénégal adhère, introduit une taxe spécifique d’au moins 0,02 dollar Us soit 11 F Cfa par cigarettes et 20,00 dollars Us, soit 10 000 F Cfa par kilogramme d’autres produits dérivés du tabac. Ce qui permettra au pays de gagner plus d’argent au détriment des industries de tabac afin de mieux prendre en charge les victimes du tabac. «Nous recommandons l’augmentation du taux d’imposition spécifique au moins une fois par an, pour suivre la hausse de l’inflation et des revenus», a-t-il déclaré. «Mais, il faut prélever la taxe ad valorem sur le prix de vente en détail des produits du tabac, plutôt que sur la valeur d’importation/prix en sortie d’usine, tout en envisageant un investissement des recettes fiscales supplémentaires générées dans la lutte contre le tabagisme ainsi que dans d’autres initiatives de santé publique telle que la Cmu, la lutte antitabac et des Mnt», ajoute-t-il. Bamba Sagna faisait une présentation sur «le cadre juridique relatif à la taxation du tabac et au tabagisme» du Projet de plaidoyer pour la taxation du tabac au Sénégal (Ttaa) en marge de l’atelier d’échanges avec les membres de l’Association des journalistes spécialisés en santé, population et développement (Ajspd) qui s’est tenu du 06 au 07 avril à Saly (Mbour). La directive de l’Uemoa est un prétexte pour contrecarrer la directive Cedeao.

Des lois et règlements ont été votés au Sénégal dans le cadre de la taxation. Il s’agit de la loi  2012-31 du 31 décembre, portant code général des impôts ; la loi n° 2014-14 du 28 mars 2014 relative à la fabrication de conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac ; arrêté ministériel 19479 en date du 17 août 2018 portant application des dispositions de l’article 408 de la loi numéro 2012-31 du 31 décembre 2012, modifiée portant Code général des impôts.

Brahim Seck, du Forum civil, et chef de projet pour la taxation du tabac (Ttaa), depuis l’année dernière nous menons des activités dans le cadre de la taxation du tabac au Sénégal, mais également rencontrer quelques autorités du ministère des Finances. Nous avons aussi mené des plaidoyers sur le suivi et la traçabilité. Cette année nous avons opté pour travailler avec les journalistes. L’angle d’attaque c’est la taxation. La mobilisation de ressources c’est de voir comment faire pour mener à bien la lutte. La taxe sur le tabac et les autres taxes sur les résidus du tabac seront débattues. Après la ratification de la Convention cadre pour la lutte anti-tabac (Cclat), le Sénégal a adopté́ la loi n° 2014-14 du 28 mars 2014, relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac.

Le Sénégal a également ratifié le protocole sur le Commerce Illicite des Produits du Tabac (IPT) et mis en place des instruments de lutte anti-tabac comme le Programme national de lutte contre le tabagisme (Pnlt) et le Comité́ national de Lutte contre le Tabagisme (CNLT). La nouvelle loi anti-tabac n’intègre cependant pas les aspects financiers de la lutte. C’est l’arrêté ministériel n° 19479 du 17 août 2018 qui prévoit l’application d’une taxe ad valorem sur la cigarette. Toutefois, cette taxation n’a pas un impact important sur le prix du tabac et n’est pas dissuasive.

Les conséquences de fumer

Pr Abdoul Aziz Kassé, dans sa présentation sur «Les impacts sanitaires liés au tabagisme et état de la recherche, est revenu sur les conséquences néfastes de fumer et d’enfumer les populations. Car, les séquelles du tabac et de ses dérivés sont énormes. En une minute, le tabac tue 15 morts. Ce qui correspond à 21 000 morts par jours dans le monde. Tous ces morts du tabac, selon lui, c’est de l’argent qui part dans les poches de l’industrie du tabac. «Le tabagisme est une épidémie qui non seulement tue des individus, mais donne des maladies en laissant des handicaps, comme la diminution de l’érection sexuelle», a-t-il fait savoir. «C’est une épidémie qui a des externalités sur le fumeur, sur son ménage, son entourage et sur sa société», ajoute-t-il. D’après lui, les pertes de productivité sont énormes pour les fumeurs. Et qu’à chaque fois que le fumeur paie une fois, la société paie le double (deux fois). Il a profité de cette occasion pour expliquer que la fumée de tabac est constituée de 7 000 composés, tout en indiquant que les fumeurs tuent eux-mêmes les non-fumeurs. «Les fumeurs tuent 1,2 million de non-fumeurs. Là où le paludisme ne tue que 400 000 individus. Ce qui veut dire que les fumeurs tuent 3 fois plus que le paludisme», a-t-il fait valoir. Et de poursuivre : «le tabac a tué plus que toutes les guerres mondiales réunies». Aujourd’hui, au Sénégal, il y a 600 000 fumeurs. Et dans 25 ans, 300 000 fumeurs sur les 600 000 vont mourir de leur tabagisme. Avec le tabagisme qui donne 23 maladies différentes chez l’homme, toutes les parties du corps peuvent être atteintes. Une raison de plus pour mener à bien le plaidoyer pour la taxation du Tabac au Sénégal afin de sauver des vies.

La e-cigarette, l’autre drame

 

La cigarette électronique a des effets négatifs sur le corps humain. Le vapotage peut introduire de la nicotine dans le corps de l’utilisateur, ce qui le donnera envie d’en consommer encore plus et qui peut entraîner au bout du compte une accoutumance et une dépendance physique. Selon le Pr Kassé, «la chicha est 5 fois plus dangereuse que le tabac». Elle donne des maladies infectieuses, comme la tuberculose. Elle favorise également le Herpes et d’autres pathologies. Dans la e-cigarette, il y a 70 000 références commerciales distinctes, plus de 1 200 substances utilisées comme ingrédients. Généralement 2 à 16 ingrédients par e-liquide. «Ces produits dits émergents composés de la cigarette électronique, la chicha et toutes ces formes d’usage alternatif du tabac, sont des formes dangereuses», a-t-il dit. Car, d’après lui, «une session de chicha c’est l’équivalent de 20 à 40 cigarettes». Et pourtant on fait croire à la jeunesse que c’est de l’amour, et aux femmes c’est parfumé, alors que l’usage des arômes c’est interdit par la loi sénégalaise. C’est pourquoi, les nouvelles autorités sont interpellées sur ce point. «Nous acteurs de la société civile, nous nous engageons à les rencontrer pour les expliquer ce phénomène pour qu’elles apportent des corrections», a-t-il déclaré.

Toutefois, des avancées notoires ont été réalisées par l’ancien régime permettant de voter une loi antitabac en 2014, de la non-ingérence de l’industrie du tabac. La deuxième avancée c’est le prix, le paquet qui coûtait 200 F Cfa est vendu aujourd’hui à 800 F Cfa, ce qui est une avancée remarquable. La troisième, c’est l’interdiction des panneaux publicitaires, ni de cérémonies sponsorisées par l’industrie du tabac. Dans cette lutte contre le tabac, un seul point a pu échapper à la société civile. C’est le fait d’interdire totalement de fumer dans les lieux publics et dans les lieux ouverts au public. Parce que, l’industrie du tabac s’était ingérée dans le vote de cette loi en essayant d’amener des espaces fumeurs et des espaces non-fumeurs, ce qui n’est pas très intelligent de la part des gouvernants de l’époque. Pour rectifier tout cela, la loi a été révisée avec le ministère de la santé qui est passée au Secrétariat du gouvernement et aujourd’hui n’attend que d’être adoptée en Conseil des ministres et d’être envoyée à l’Assemblée nationale pour un vote. Cette bataille va inclure  tous les problèmes qui n’ont pas pu être réglés.

Le Pm Ousmane Sonko interpellé

 


L’une des priorités du gouvernement du Premier ministre, Ousmane Sonko, est la jeunesse qui mérite d’être protégée. Alors que tous les experts ont montré que la jeunesse sénégalaise est en train d’être «tuée» par le tabagisme, les associations de la société civile ont mené une importante lutte contre le tabagisme jusqu’à obtenir une loi qui a apporté pas mal d’innovations mais ils se sont rendus compte qu’il y’a beaucoup de travail qui restait à faire. C’est la raison pour laquelle, le forum civil que dirige Brahim Seck, compte tenu de la politique définie au niveau mondial, a voulu apporter sa touche au combat  par le biais de la taxation du tabac. «On s’est rendu compte au niveau du forum civil, qu’il faut impérativement que l’État taxe davantage les prix du tabac pour qu’il ne soit plus accessible non seulement aux jeunes mais qu’il puisse avoir des sources de revenus pour faire face au tabagisme», a-t-il déclaré. Selon lui, au Sénégal beaucoup de dépenses ont été effectuées pour soigner des personnes victimes de cancers qui sont souvent causés par le tabagisme. Mais hormis la taxation du tabac, la société civile compte accompagner ces associations qui ont tant travaillé dans ce domaine pour que le gouvernement interdit de façon définitive le tabagisme dans les lieux publics.

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