Introduction
L’ex-président Macky Sall a récemment qualifié d’« absurde » l’existence d’une dette cachée au Sénégal, rejetant ainsi les conclusions des audits de la Cour des comptes et du FMI. Pourtant, les faits sont têtus : sous son mandat, le pays a accumulé une dette publique écrasante, atteignant 119 % du PIB en 2024, bien au-delà des chiffres officiels communiqués. Cette sous-estimation n’est pas un simple oubli administratif, elle reflète une stratégie de dissimulation et d’opacité qui a fragilisé l’économie nationale et affaibli la confiance des investisseurs internationaux.
1. La réalité incontestable de la dette sénégalaise
Les audits publiés en 2025 révèlent une dette publique totale de 119 % du PIB, soit environ 22 000 milliards de F CFA. Les engagements hors bilan, les garanties d’État et les CNO (certificats non officiels) ajoutent près de 7 milliards de dollars non déclarés, représentant presque 10 % du PIB. Ces chiffres dépassent de loin les 65 % du PIB annoncés dans les rapports officiels de l’époque.
Le FMI a confirmé ces anomalies, soulignant que la sous-estimation de la dette était « très consciente », et que cette opacité a entraîné une perte de crédibilité financière pour le Sénégal.
2. Les pratiques qui ont nourri la dette cachée
Sous votre mandat, plusieurs pratiques financières opaques ont contribué à cette situation alarmante :
- Émissions non autorisées de CNO : Plus de 2 500 milliards de F CFA ont été mobilisés sans approbation parlementaire pour financer des projets non budgétisés, enrichissant certains responsables et affaiblissant les finances publiques.
- Surfacturations et favoritisme : Des audits révèlent des écarts de 10 à 30 % par rapport aux coûts réels dans les marchés publics, souvent attribués à des prestataires proches du pouvoir.
- Substitutions de crédits privés : Certains prêts privés ont été garantis par l’État sans aucune transparence, générant un passif implicite non inscrit dans le budget officiel.
- Manque de transparence et contrôle insuffisant : Les rapports financiers de l’époque étaient incomplets, sélectionnant délibérément certaines informations et occultant d’autres, rendant toute évaluation sérieuse impossible pour le Parlement et les partenaires financiers.
Ces pratiques ne sont pas de simples erreurs administratives, elles constituent un système organisé de dissimulation financière dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui.
3. Conséquences économiques et sociales
La dette cachée et les pratiques opaques ont provoqué :
- Un surendettement étouffant : Le service de la dette absorbe aujourd’hui 20 à 25 % du budget national, limitant fortement les investissements dans la santé, l’éducation et les infrastructures essentielles.
- Une perte de confiance internationale : Les marchés financiers et le FMI doutent désormais de la fiabilité des chiffres officiels du Sénégal, rendant l’accès aux financements internationaux plus coûteux et plus restreint.
- Des effets directs sur la population : Retards de paiement aux entreprises, contraction de l’emploi, baisse de l’investissement public, et diminution des ressources disponibles pour les services essentiels.
En résumé, ce n’est pas seulement un problème comptable, c’est une crise économique et sociale qui affecte directement la vie des Sénégalais.
4. Réponse au déni de l’ex-président
Nier l’existence de cette dette cachée ne modifie en rien la réalité. Les faits sont établis et documentés :
- La Cour des comptes et le FMI ont confirmé des engagements hors bilan et des émissions irrégulières.
- La dette réelle du Sénégal, réévaluée, atteint 119 % du PIB, bien au-delà des 65 % annoncés à l’époque.
- Les pratiques de surfacturation, les substitutions de crédits privés et l’opacité dans les documents financiers sont documentées et chiffrées, contredisant les affirmations publiques selon lesquelles tout aurait été transparent.
Le déni politique ne peut masquer des faits documentés et vérifiables.
5. Conclusion et recommandations
Il est désormais impératif :
- Que l’ex-président fasse un acte citoyen, reconnaissant publiquement l’existence de la dette cachée et des pratiques irrégulières. Ce n’est pas pour défendre ses ambitions personnelles, comme un éventuel projet de Secrétaire général de l’ONU, ni pour se soustraire à la justice, mais pour assumer pleinement la responsabilité de ses décisions. Après avoir engagé tout un peuple dans une situation financière critique et hypothéqué l’avenir du Sénégal — pays qui lui avait pourtant offert sa confiance et son mandat —, seule la transparence et l’aveu sincère peuvent rétablir la confiance et la crédibilité nationales.
- De publier l’intégralité des rapports d’audit pour permettre un contrôle citoyen et parlementaire.
- De renforcer les mécanismes de contrôle pour éviter que de telles dérives ne se reproduisent.
- De matérialiser le plan de redressement économique et social basé sur la transparence totale, la rationalisation des dépenses et la renégociation des dettes.
À la lumière des faits documentés — la gestion opaque de la dette publique, les surfacturations et détournements, l’affaire Arcelor Mittal, ainsi que les événements tragiques de 2021 ayant causé la mort de 86 personnes sous son magistère — il devient légitime de considérer la responsabilité politique de l’ex-président devant la Haute Cour de justice pour manquement grave à ses devoirs et mise en péril de l’intérêt général. Ces événements ne peuvent être balayés par le déni ou des ambitions personnelles ; ils nécessitent une évaluation judiciaire et un acte de responsabilité publique.
En définitive, la dette cachée et les pratiques associées ne sont pas seulement un enjeu comptable : elles traduisent un manque de responsabilité politique et financière. Une réponse honnête et transparente est la condition sine qua non pour restaurer la crédibilité du Sénégal et protéger les générations futures.
Par Sidy Gueye, Consultant (gueyesidy@gmail.com)
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