La controverse réglementaire entourant SOFTCARE continue de susciter une forte attention de l’opinion publique. À mesure que les informations se diffusent sur les réseaux sociaux et dans les médias, le débat ne se limite plus au seul cas de l’entreprise, mais s’étend désormais à des questions plus fondamentales touchant aux procédures administratives, aux limites des pouvoirs de régulation et aux règles encadrant la communication publique. Dans l’attente des conclusions définitives de l’enquête, les enjeux institutionnels mis en lumière par cette affaire méritent une analyse sereine et rigoureuse.
Dans le cadre de l’affaire SOFTCARE, des agents chargés de l’inspection ont, au cours et à l’issue de leurs missions, pris publiquement position sur les réseaux sociaux et dans les médias. Ils ont diffusé des communiqués à caractère sanctionnateur, maintenant, voire réactivant, des décisions pourtant officiellement annulées par le Directeur général, et ce par des canaux de communication inappropriés.
Il convient de rappeler que l’autorité de régulation pharmaceutique dispose, en principe, de services de communication officiels légalement compétents pour toute information à destination du public.
Ces pratiques ont contribué à transformer une inspection technique en une controverse publique durable, dépassant largement le cadre initial du contrôle administratif.
Des controverses multiples : les questions clés soulevées par l’affaire SOFTCARE. À mesure que le débat public s’est approfondi, plusieurs interrogations majeures se sont imposées. La diffusion d’informations a-t-elle respecté les règles de compétence et de procédure administrative ? Le processus d’enquête reposait-il sur des bases scientifiques suffisantes et transparentes ? L’étendue des sanctions était-elle proportionnée aux faits reprochés ? Ces questions constituent aujourd’hui le cœur des préoccupations exprimées dans l’espace public.
Première controverse : communication publique et hiérarchie administrative
Dans le système administratif actuel, les agents chargés des inspections réglementaires assument des responsabilités professionnelles essentielles, mais leurs prises de parole et leurs communications doivent en principe respecter une répartition claire des compétences ainsi que des procédures strictement définies.
Dans l’affaire SOFTCARE, l’inspecteur concerné a choisi de mener une véritable « offensive médiatique » à travers les réseaux sociaux et les plateformes d’information, s’attaquant directement au directeur général et se mettant lui-même au centre de l’attention médiatique.
Un tel comportement méconnaît ouvertement les règles fondamentales du bon fonctionnement de l’administration publique, tout en portant gravement atteinte au principe de la présomption d’innocence ainsi qu’aux libertés fondamentales du commerce et de l’industrie.
Nous sommes en droit de nous interroger : en vertu de quelle autorité un inspecteur chargé d’une mission de contrôle peut-il, en l’absence de toute information publique établissant que des analyses scientifiques ont été réalisées sur les lots concernés pendant la période en cause, se permettre de déclarer un produit « impropre à la consommation » ? Il existe dès lors des raisons légitimes de mettre en doute la réalité même des prétendues non-conformités, ainsi que le caractère manifestement disproportionné des mesures prises.
Deuxième controverse : procédure d’enquête et fondement scientifique
Au regard des informations actuellement disponibles, l’ensemble de la procédure d’enquête visant l’entreprise ne semble pas avoir été conduit conformément aux procédures administratives normales et réglementaires.
Conformément au droit sénégalais, toute décision administrative relative à la sécurité sanitaire des produits doit impérativement être fondée sur des analyses scientifiques régulièrement conduites et menées dans le respect du principe du contradictoire ; l’absence d’analyses fiables portant sur les lots concernés, la période d’inspection ainsi que la nature précise des prétendues non-conformités constitue un vice substantiel de procédure, de nature à entraîner la nullité des décisions administratives en cause.
Troisième controverse : étendue des sanctions et principe de proportionnalité.
D’après les informations rendues publiques, les faits reprochés ne concerneraient, le cas échéant, qu’un produit spécifique. Pourtant, les mesures adoptées ont conduit à une restriction générale de la commercialisation de l’ensemble des produits SOFTCARE.
Ce décalage manifeste entre le périmètre des faits allégués et l’ampleur des sanctions soulève la question du respect du principe de proportionnalité des sanctions administratives. En pratique, garantir un juste équilibre entre la protection de la santé publique et la préservation de l’activité économique des entreprises demeure un enjeu central de l’action administrative.
Par ailleurs, en l’absence de toute décision judiciaire ou de preuve légalement établie, les accusations publiques de corruption portées contre SOFTCARE sont susceptibles de porter atteinte à la réputation et aux droits de la personnalité de l’entreprise, engageant potentiellement la responsabilité de leurs auteurs.
L’ensemble de ces éléments conduit à s’interroger sur un possible détournement de la procédure administrative à des fins de règlements de comptes internes, au détriment d’une entreprise privée, avec des conséquences lourdes pour l’emploi, l’investissement et l’économie nationale.
Lecture juridique de l’affaire SOFTCARE : incompétence manifeste et illégalité administrative
L’affaire SOFTCARE met en évidence de graves atteintes aux principes fondamentaux qui régissent l’action administrative au Sénégal, tels qu’ils résultent de la Constitution, du Statut général de la Fonction publique, du droit administratif sénégalais et des principes généraux du droit consacrés par la jurisprudence.
Aux termes du Statut général de la Fonction publique sénégalaise (loi n°61-33 du 15 juin 1961, modifiée), tout fonctionnaire est tenu à une obligation de réserve, de prudence et de secret professionnel dans l’exercice de ses fonctions, obligations particulièrement strictes pour les agents investis de missions de contrôle et d’inspection.
Par ailleurs, les règles encadrant les autorités administratives indépendantes et les agences de régulation réservent au seul Directeur général le pouvoir de prononcer des sanctions et d’en assurer la communication officielle.
En l’espèce, le fait pour un inspecteur, dépourvu de toute délégation régulière, de s’exprimer publiquement, de mettre en cause son supérieur hiérarchique et de diffuser des actes à portée décisionnelle constitue une violation manifeste du principe de compétence, élément central de la légalité administrative, et est susceptible d’engager sa responsabilité disciplinaire.
Le droit administratif sénégalais repose également sur le principe de la hiérarchie administrative, selon lequel l’agent est tenu d’exécuter les instructions de son supérieur, sauf dans l’hypothèse strictement encadrée d’un ordre manifestement illégal portant gravement atteinte à l’intérêt public.
Or, aucun élément ne permet d’établir que les décisions annulées par le Directeur général relevaient d’un tel ordre. Le maintien ou la réactivation unilatérale de sanctions annulées constitue dès lors un dépassement manifeste de compétence.
Impact économique et intérêt général
La Constitution sénégalaise consacre le principe de la présomption d’innocence ainsi que la liberté d’entreprendre, corollaire de la liberté du commerce et de l’industrie. Exposer publiquement une entreprise à des sanctions non définitives, non fondées juridiquement et dépourvues de base scientifique probante constitue une atteinte grave et disproportionnée à ces libertés constitutionnelles.
La succession de manœuvres pour le moins contestables de l’inspecteur mis en cause, conjuguée à une véritable offensive médiatique dirigée contre SOFTCARE — allant jusqu’à l’accuser d’avoir transporté des valises remplies d’argent afin de corrompre l’ARP — a fini par semer un profond trouble dans l’opinion publique. L’affaire dégage clairement une odeur de règlements de comptes internes et de luttes intestines entre collègues, dont le coût est pourtant supporté par une entreprise, avec des répercussions graves sur l’emploi, la confiance des investisseurs et, plus largement, l’économie locale.
En tant qu’acteur industriel et employeur majeur au niveau local, SOFTCARE occupe une place significative dans l’économie nationale. Au regard de son envergure opérationnelle, l’entreprise génère directement et indirectement plusieurs milliers d’emplois et aurait, au cours des trois dernières années, verse plusieurs milliards de francs CFA au titre des différents impôts et taxes, tandis que sa contribution en droits et taxes à l’importation atteindrait une échelle de quinzaine de milliards de francs CFA.
Dans ce contexte, la manière et le rythme de l’intervention administrative ne concernent pas uniquement une entreprise donnée, mais ont des répercussions directes sur la stabilité de l’emploi, la confiance des investisseurs et l’attractivité globale du climat des affaires.
Bien entendu, être grand acteur économique ne dispense pas de respecter scrupuleusement la réglementation sanitaire.
Que SOFTCARE soit inspecté, qu’il soit condamné s’il le mérite, mais qu’il ne soit pas lynché par voie de presse.
Respect de la justice, la vie privée des dirigeants et de la présomption d’innocence : voilà trois principes qu’il faut protéger dans l’Etat de droit.
Dans ces conditions, le comportement de l’inspecteur dans les réseaux sociaux et dans les médias n’obéit pas aux règles de la déontologie administrative et de la justice.
Les faits de l’affaire SOFTCARE restent, à ce stade, soumis à la confirmation des résultats de l’enquête officielle. Toutefois, il apparaît clairement que cette affaire dépasse le cadre d’un simple dossier individuel pour s’inscrire dans une réflexion plus large sur les procédures administratives, les limites de la régulation et la confiance du public dans l’action de l’État.
Entre l’exigence d’une régulation efficace, la préservation de l’ordre public économique et la protection des droits légitimes des entreprises, la transparence des procédures, la clarté des responsabilités et la rigueur dans la communication publique demeurent des enjeux majeurs et durables de la gouvernance publique.
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