Alors que Donald Trump organise son tout premier sommet Afrique–États-Unis à Washington du 9 au 11 juillet 2025, cinq chefs d’État africains sont invités à prendre part à une rencontre marquée par un tournant stratégique dans la politique étrangère américaine. Parmi eux, le président Bassirou Diomaye Faye représente un Sénégal en pleine réorientation stratégique de sa diplomatie, porté par une vision souverainiste, panafricaine et un ambitieux agenda de transformation nationale Sénégal 2050. Dans un contexte mondial de recomposition des influences, ce sommet offre une opportunité pour le Sénégal de faire entendre ses priorités et d’ancrer sa position de partenaire-clé dans une coopération renouvelée avec les États-Unis.
Un sommet stratégique dans un monde en recomposition
Le sommet Afrique–États-Unis, organisé du 9 au 11 juillet 2025 par le président Donald Trump, marque une inflexion majeure dans les relations entre Washington et les capitales africaines. Contrairement aux éditions précédentes rassemblant l’ensemble du continent, ce sommet adopte un format restreint, limité à cinq pays côtiers d’Afrique de l’Ouest – dont le Sénégal. Ce choix reflète une volonté de cibler des partenaires jugés stratégiques, dans un contexte mondial en recomposition.
Cette rencontre intervient dans un moment singulier où les orientations de politique étrangère de l’administration Trump suscitent de nombreuses interrogations : hausse des droits de douane, contrôle renforcé des flux migratoires, expulsions massives de migrants et retrait des engagements multilatéraux. Dès son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a signé l’Executive Order 14169, suspendant pour 90 jours l’aide étrangère américaine. Ce décret symbolise le basculement vers une diplomatie de la transaction, où le commerce et la sécurité remplacent l’aide au développement comme leviers d’influence.
Ce sommet s’inscrit également dans une dynamique géopolitique multipolaire, dominée par la montée en puissance de la Chine et des BRICS sur le continent africain. Face à cette concurrence croissante, l’administration Trump cherche à redéfinir sa présence en Afrique en misant sur des partenariats économiques ciblés, bilatéraux et orientés vers des résultats concrets.
Pour Washington, ce sommet constitue une réponse tactique : repositionner les États-Unis sur le continent africain en ciblant des partenaires stables, disposant de ressources stratégiques, d’une ouverture maritime, et d’un rôle géopolitique régional. En somme, une diplomatie des opportunités où la logique du « deal » l’emporte sur celle de la solidarité. C’est dans ce cadre que Trump, bien que longtemps indifférent à l’Afrique, organise pour la première fois un sommet Afrique-USA à la Maison-Blanche – bien que la dénomination interpelle.

Ce choix n’est pas anodin, de même que la participation du Sénégal ne saurait être que symbolique. Elle intervient quelques semaines après la visite du Premier ministre Ousmane Sonko à Pékin, signal fort d’une diplomatie sénégalaise désormais orientée vers le Sud Global. Pour Trump, ce sommet est une tentative de reconquête géopolitique, dans un monde où l’Afrique n’est plus périphérique, mais centrale, et où le Sénégal grâce à sa diplomatie d’intégration régionale et de son leadership régional, demeure un partenaire sérieux .
Le Sénégal, un partenaire pivot dans la région
Le Sénégal, sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, se présente à ce sommet avec une vision claire et assumée de ses intérêts souverains, articulés autour de l’agenda Sénégal 2050. La stratégie nationale repose sur des piliers forts constitutifs des intérêts souverains du pays :
- La transformation industrielle par la valorisation des ressources extractives et la souveraineté énergétique ;
- La digitalisation des services publics et le développement d’un écosystème numérique via le New Deal Technologique ;
- Le financement du développement, hors paradigme d’aide conditionnée, dans des secteurs clés (agriculture, éducation, santé) ;
- Le renforcement du leadership régional dans la CEDEAO, la ZLECAF et l’Union africaine, par une diplomatie d’intégration et de sécurité.
Le retrait progressif des anciennes puissances, le départ des forces françaises et le repositionnement diplomatique vers le Sud Global (Chine, Golfe, Turquie) témoignent d’une volonté d’autonomie stratégique. Mais ce réalignement reste compatible avec une coopération renouvelée avec les États-Unis, à condition qu’elle épouse les principes du respect mutuel et de co-construction et productions de richesses partagées.
Dans ce contexte, la rencontre entre le président Diomaye Faye et Donald Trump n’est pas un simple échange protocolaire, mais une opportunité de plaider en faveur de partenariats axés sur la sécurité, l’énergie, la technologie, l’industrialisation, la diaspora sénégalaise. Le Sénégal, fort de sa stabilité, de sa croissance (8,4 % en 2025 selon le FMI) et de son rôle régional, peut se positionner comme hub stratégique entre l’Afrique de l’Ouest et les États-Unis.
Christian Abadioko SAMBOU est enseignant associé en science politique à l’Université Numérique Cheikh Hamidou Kane. Il est diplômé de sociologie (UGB), de relations internationales (Paris 1 Panthéon-Sorbonne), et docteur en science politique de l’Université Paris-Saclay / UVSQ.
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