Le débat sur la succession générationnelle au sein du Parti socialiste sénégalais apparaît aujourd’hui comme une controverse vaine, presque dérisoire, au regard de la réalité qui mine ce qui fut longtemps l’un des piliers de la vie politique nationale. Depuis 2014, aucune tentative sérieuse de renouvellement des instances n’a été entreprise. Les congrès se succèdent dans les paroles, mais se dérobent dans les faits. Les réunions régulières des instances de direction, autrefois véritables laboratoires de réflexion et d’orientation, ne sont plus convoquées avec la rigueur qui avait fait la réputation de ce parti. Notre Parti, héritier d’un long compagnonnage avec l’histoire du Sénégal, s’est ainsi laissé enfermer dans un immobilisme institutionnel qui le condamne progressivement à la marginalité. Le mal au PS résulte en ce que disait Gramci: << La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître >>.
Dans un contexte où l’ensemble du champ politique est traversé par de profondes dynamiques de rajeunissement et de réorganisation, cette inertie est d’autant plus incompréhensible. Les partis qui structurent aujourd’hui l’espace politique, qu’il s’agisse du PASTEF, de l’AFP ou de l’APR, ont bien saisi l’importance stratégique de mettre en avant de nouvelles générations de responsables. Le renouvellement y est certes imparfait à l’exception du PASTEF, parfois plus affiché que réellement mis en œuvre, mais il constitue néanmoins un levier puissant de mobilisation des jeunesses et de repositionnement face à un électorat de plus en plus exigeant et volatile. A l’inverse, le Parti demeure englué dans des tergiversations interminables, se contentant de mettre en place une commission de relance présidée par la Secrétaire générale, Madame Aminata Mbengue Ndiaye, dont la mission semble davantage orientée vers la gestion des équilibres internes que vers une réelle refondation.
Le cœur du problème réside dans la contradiction flagrante entre les discours de renouvellement et les pratiques effectives. L’évocation de la succession générationnelle, au sein du Parti socialiste, est en réalité devenue un artifice rhétorique, un faux débat qui masque l’absence de volonté d’ouvrir l’appareil à des profils jeunes et porteurs d’initiatives. On parle de transmission, mais l’on s’arc-boute sur des logiques d’héritage politique qui n’ont plus cours dans une société. sénégalaise profondément bouleversée par les attentes des nouvelles générations. L’inanité de ce débat réside dans sa dimension factice tant que les instances ne seront pas régulièrement convoquées, tant que les règles statutaires de renouvellement ne seront pas respectées, toute discussion sur une succession, qu’elle soit générationnelle ou symbolique, restera un écran de fumée.
Cette situation isole le Parti socialiste dans un landerneau politique où l’innovation, la réorganisation et le rajeunissement ne sont plus des choix mais des impératifs de survie. En refusant ou en différant ce travail de rénovation, le parti s’exclut de lui-même des dynamiques de compétitivité politique. Il perd non seulement la bataille de l’image, mais également celle de la projection stratégique. Comment espérer reconquérir le pouvoir lorsque l’on s’arc-boute sur des méthodes d’un autre âge, alors même que les électeurs, dans leur grande majorité, réclament une nouvelle offre politique ? La jeunesse sénégalaise, en particulier, constitue le moteur démographique et électoral du pays Or elle n’entend plus se reconnaître dans un parti qui donne le sentiment interne. On peut ainsi dire, pol construire l’avenir en s’accrochant au passé. L’ambition de transformation as Sankara, qu’on ne peut pas
Le Parti socialiste, jadis force centrale, se retrouve ainsi en marge, prisonnier de ses propres lenteurs et incapable de transformer son héritage historique en un capital politique mobilisateur. Loin d’être une question secondaire, le défaut de renouvellement menace directement la survie de notre formation politique dans un contexte marqué par une recomposition rapide du paysage partisan. La reconquête du pouvoir, souvent évoquée dans les cercles militants, apparaît comme une chimère tant que les questions essentielles de gouvernance interne et de leadership ne seront pas tranchées.
Que pèse aujourd’hui le PS dans l’actuelle opposition au régime? Mis à part les réunions des partis et coalitions de partis que notre siège de la Maison du Parti accueille souvent, qu’en est-il de notre rôle qui devrait être de premier plan? On peut en dire que c’est de bonne guerre car, en dehors de l’APR, rares sont les partis qui disposent d’un siège d’une telle envergure. Il faut dire que notre posture ambigue al tué toute la considération et le respect que devrait nous conférer légitimement notre. héritage de d’ancien parti-État ayant bati notre république et structuré notre unité nationale.
En définitive, le débat sur la succession générationnelle n’est qu’un faux-semblant, une diversion qui masque l’essentiel: le Parti ne s’est pas donné les moyens de sa propre réinvention. Notre direction actuelle, en retard sur les grandes tendances qui structurent l’espace politique sénégalais, continue de temporiser là où il faudrait agir avec lucidité et courage. Ce refus de se réorganiser, ce déni des impératifs de rajeunissement et de renouvellement des pratiques, éloigne chaque jour davantage le parti des compétitions électorales nationales et obère l’avenir quant à ses perspectives de retour au pouvoir. L’histoire retiendra sans doute que le Parti
socialiste, après avoir dominé quatre décennies de vie politique, avant l’indépendance et cela depuis 1948 à la survenue de la première alternance en 2000 puis de 2000 à la seconde alternance en 2012, s’est condamné lui-même en se réfugiant dans les illusions d’un débat stérile, au lieu d’affronter la réalité d’une transformation nécessaire. Aujourd’hui, plus que jamais nous devons, au-delà de la sagesse, nous armer de clairvoyance et de lucidité car << Mieux vaut prendre le changement par la main, avant qu’il ne nous prenne par la gorge, comme disait Winston Churchill.
Mamadou Mbodji DIOUF
MBA Paris Dauphine PSL
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