L’Indice africain du crime organisé 2025, publié le 17 novembre par le projet ENACT, révèle une montée continue en Afrique depuis 2019, avec des marchés diversifiés, des acteurs étatiques influents et une résilience des États encore insuffisante. Le rapport fournit également des recommandations pour renforcer la prévention du crime organisé et la coopération continentale.
Selon le document transmis à APA, la criminalité organisée est en hausse constante, diversifiée et influencée par la digitalisation, l’instabilité et des facteurs géopolitiques. La résilience des États africains reste faible et en déclin, avec un score moyen continental de 3,79/10, inférieur au score moyen des marchés criminels (5,11/10) et des acteurs criminels (5,58/10).
La criminalité prospère dans les environnements instables et en conflit, tandis que la gouvernance démocratique favorise une meilleure réponse aux phénomènes criminels, contrairement aux régimes autoritaires qui les tolèrent ou les répriment violemment.
Les marchés criminels les plus dominants en 2025 sont les crimes financiers (6,32/10), le trafic humain (6,11/10), les crimes liés aux ressources non renouvelables (5,90/10), le trafic d’armes (5,69/10) et le commerce de contrefaçons (5,69/10).
Depuis 2023, les crimes financiers et le commerce de contrefaçons ont connu la croissance la plus rapide. Les tendances régionales montrent que l’Afrique de l’Est se distingue par le trafic humain et d’armes, l’Afrique du Nord par le cannabis et les drogues synthétiques, l’Afrique de l’Ouest par le trafic de cocaïne et le trafic humain, l’Afrique centrale par l’exploitation illégale des ressources non renouvelables, et l’Afrique australe par les crimes financiers et le trafic illégal de la faune.
Les acteurs criminels les plus influents sont les acteurs étatiques intégrés (6,78/10), suivis des acteurs étrangers (5,92/10), des réseaux criminels (5,36/10), des acteurs privés (4,89/10) et des groupes de type mafia (3,41/10). Depuis 2023, les acteurs étrangers et privés connaissent la plus forte progression. Les acteurs étatiques dominent particulièrement en Afrique centrale, Est et Nord, tandis que les acteurs étrangers sont influents surtout en Afrique de l’Ouest.
Le rapport souligne également le rôle du boom numérique dans la diversification criminelle. Les crimes cyber-dépendants, tels que les ransomwares et malwares (5,45/10), ainsi que les crimes financiers en ligne et la sextorsion (6,32/10), sont en forte progression, particulièrement au Kenya, en Afrique du Sud et au Nigéria.
La résilience en matière de cybercriminalité reste faible, avec un manque d’investissements en cybersécurité et une baisse du rôle des acteurs non étatiques (score passé de 4,30 en 2019 à 3,66 en 2025).
La résilience continentale reste insuffisante, avec des scores plus élevés pour la coopération internationale (4,95/10), les politiques et lois nationales (4,71/10) et la transparence gouvernementale (4,06/10).
Les indicateurs les plus faibles concernent le soutien aux victimes et témoins (2,87/10) et la prévention (2,87/10). L’Afrique du Sud et certaines régions d’Afrique de l’Ouest affichent les meilleurs scores régionaux, tandis que l’Afrique du Nord obtient les plus faibles, notamment pour le rôle des acteurs non étatiques (2,75/10).
L’analyse historique retrace l’évolution du crime organisé depuis les années 1970, avec une croissance initiale liée aux conflits et à la décolonisation, une consolidation dans les années 1990 avec l’ouverture des frontières, une maturation et globalisation dans les années 2000-2010, et une accélération des fraudes en ligne et contrefaçons pendant la pandémie de COVID-19.
L’Afrique occupe un rôle clé dans le crime transnational, à la fois comme point d’origine (ressources naturelles illégalement exportées), point de transit (cocaïne, héroïne, humains vers Europe/Asie) et destination (drogues synthétiques, contrefaçons, armes).
Les conflits, la géopolitique et la faiblesse de la gouvernance renforcent le crime organisé, comme l’illustre le retrait de certaines puissances étrangères ou les crises dans le Sahel et au Soudan. Le rapport insiste sur l’importance de l’intégration de la paix et du développement, du renforcement de la démocratie et de la gouvernance, du rôle des acteurs non étatiques et de la création de corps d’enquête indépendants pour lutter contre les acteurs étatiques criminels.
Enfin, le rapport propose des recommandations concrètes : investir dans la jeunesse, renforcer la société civile, prioriser le crime organisé au niveau de l’Union africaine, utiliser la technologie pour contrer les activités illicites, améliorer la régulation financière dans les flux transfrontaliers et promouvoir la coopération internationale et régionale pour renforcer la résilience.
Dans ce paysage, le Sénégal occupe une place stratégique. Le pays n’est pas l’un des plus criminogènes du continent, mais il est placé au cœur des routes qui le traversent. Sa position géographique, son statut de plateforme économique, la vigueur de son port et la modernité de certaines infrastructures font de lui une cible privilégiée pour les réseaux régionaux. Les saisies récentes de cocaïne dans le port de Dakar ont confirmé ce rôle central : même si le Sénégal n’est pas un lieu de production, il est clairement un espace de transit. Les trafiquants profitent de l’importance du commerce maritime, de la densité des flux logistiques et de l’existence d’entreprises d’import-export où les marchandises illicites peuvent se fondre dans le commerce légal. La proximité avec la Guinée-Bissau, la Gambie ou la Guinée renforce cette dynamique.
Le pays est également exposé à la montée des crimes financiers observée sur le continent. Dakar est une capitale administrative et économique où circulent des flux importants, parfois difficiles à tracer, entre entreprises de construction, sociétés de transport, plateformes numériques et circuits informels.
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