Depuis leur arrivée au pouvoir, les nouvelles autorités sénégalaises donnent l’impression de s’installer dans une posture paradoxale : critiques acharnés de l’ancien régime, mais incapables de s’en détacher pleinement pour gouverner sereinement. Au lieu de s’affirmer par l’action, elles s’embourbent dans des discours défensifs, des débats interminables et des diagnostics sans suite.
Chaque jour ou presque, une conférence, un dialogue, un atelier, une concertation. Pourtant, tout le monde s’accorde à dire que le pays est « en ruine », que l’urgence commande. Pourquoi alors tant de palabres, si peu d’actes ? Pourquoi occuper des salles héritées du régime précédent, financer ces rencontres avec des ressources issues de budgets qu’on déclare surendettés, mal orientés, mal utilisés ? Et pourquoi, en parallèle, ne pas parvenir à réduire réellement le train de vie de l’État, les caisses noires, les agences et directions budgétivores ? On dit vouloir tourner la page, mais on continue d’écrire avec l’encre de l’ancien système.
À force de dénoncer le passé à chaque occasion, ces autorités donnent parfois l’impression de faire involontairement la promotion de ce qu’elles combattent. En brandissant sans cesse les malversations d’hier, elles justifient leur propre immobilisme aujourd’hui. Mais gouverner, ce n’est pas seulement parler du passé : c’est agir dans le présent avec courage et cohérence.
Pourquoi vouloir faire peur en permanence à la population ? Pourquoi s’entêter à choquer, à révéler, à agiter l’opinion, alors qu’on détient les leviers du pouvoir, les moyens d’agir, de corriger, d’apaiser ? Pourquoi tant de colère face aux critiques, face aux citoyens qui, eux, n’ont que leur voix pour s’exprimer ? À quoi bon se battre sur le terrain des mots quand on peut, par les actes, redonner espoir ?
La vérité, peut-être, c’est qu’on peine à proposer un cap clair, un récit mobilisateur, une action structurée. Et cette difficulté à se projeter dans l’avenir conduit à s’enliser dans l’ombre du passé. Ce faisant, on risque de reproduire ce qu’on dénonce. À force de diaboliser sans gouverner, ne prépare-t-on pas déjà, dans les esprits, le retour de ceux qu’on cherche à effacer ?
Le Sénégal n’a pas besoin d’un pouvoir qui se justifie. Il a besoin d’un pouvoir qui agit. Assez de mots. Place aux actes.
Amadou Lô Le citoyen
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